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lundi 30 novembre 2009

Lire, écrire. Rêver, peut être - par Martin W.

Le pire, finalement, ce n'est pas "ne pas pouvoir écrire", ou "ne pas savoir quoi écrire", c'est en avoir trop à écrire à la fois. En sachant que le temps n'est pas extensible. Et puis qu'il y a le temps pour la famille. Et puis aussi l'intendance (dont il faut bien s'occuper). Et puis les travaux alimentaires (qu'il faut bien faire pour faire tourner l'intendance, les gosses c'est sympa mais ça bouffe tout le temps, ça grandit tout le temps il faut leur acheter des trucs nouveaux, ça râle tout le temps il faut les sortir ou leur donner vingt balles pour qu'ils aillent râler avec leurs copains, ça dort tout le temps il faut les faire lever pour qu'ils donnent un coup de main à passer l'aspirateur, ça se salit tout le temps il faut bien faire la lessive et quand il neige déjà que la lingerie n'est pas tout près c'est la galère, ça parle tout le temps il faut bien les écouter et s'intéresser à ce qu'ils racontent des fois qu'ils seraient tentés de se venger de notre manque d'attention en allant fumer un joint ou boire de la bière en cachette ou cambrioler une banque, bref ! Ca prend du temps.

Le temps, ça n'est pas extensible, je l'ai déjà dit mais je n'en finirai jamais de le dire, et quand il y a tout plein de choses à faire (les textes alimentaires, le cours bi-hebdomadaire à préparer, les courses, les démarches administratives et les entretiens avec les étudiant(e)s qui viennent discuter du contenu de leur copie et de la note qu'on leur a mise injustement - oui, oui, ça fait partie du boulot des enseignants, au Québec, de recevoir les étudiants pour écouter leurs arguments...) il est difficile d'avoir du temps  pour écrire ce qu'on veut. Et pour lire.

L'autre jour après être allé voir "Fantastic Mr Fox" (je vous le conseille, c'est excellent) avec mon boss et une demi-douzaine de garçons entre 10 et 16 ans, je me suis dit que la principale raison pour laquelle j'aimerais avoir un poste de prof dans une université d'Amérique du Nord c'est parce que j'aurais une allocation livres : je pourrais commander tous les bouquins que je veux (enfin pas tous, mais beaucoup) et même, si j'étais prof de "Television Studies" spécialisé dans les séries télé, les coffrets des séries qui pourraient me permettre, de près ou de loin, de faire mes cours, d'écrire mes articles et mes bouquins sur le sujet.

Notez bien que ça ne changerait rien à mon problème : même si j'avais tout l'argent qu'il me faut pour (après avoir payé le loyer, les courses et quatre paires de chaussures de neige taille 46) commander deux douzaines de coffrets de DVD par trimestre à Amazon.ca, je n'aurais pas plus de temps pour les regarder et pour écrire les articles qu'ils m'inspireraient certainement.

Ni les articles qu'on m'a gentiment proposé d'écrire pour la revue du département. 
Ni les textes qui me sautent à la figure en parlant à un étudiant ou à une collègue, ou en lisant La Presse dans le métro.
Ni les romans dont je berce l'idée depuis longtemps.
Ni les chansons que j'aimerais chanter en solo.
Ni les scénarios de séries télé.
Ni les essais qui me donneraient l'illusion d'être un intellectuel influent. 
Ni les textes qui me viennent sans prévenir, comme celui-ci, que je me suis mis à écrire au fil de la plume sans réfléchir.
Et d'ailleurs, pourquoi est-ce que je l'ai écrit, ce texte, alors que j'ai déjà tant à faire. 
Quelle perte de temps, vraiment !

Mar(c)tin

19 commentaires:

  1. je passe avec mon enregistreur mercredi pour t'enregistrer chantant ?

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  2. J'aurais bien laissé un commentaire, mais je vous connais, vous allez encore perdre votre temps à le lire... ;o)

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  3. ... ben pour devenir un blogueur influent ?

    Et pour qu'il nous fasse du bien à le lire.
    Qu'on se dise que de n'avoir qu'une paire de chaussure taille 45 à acheter pour un (léger) hiver, ce n'est rien.
    Que l'intendance prend à tous du temps.
    Et qu'il faut laisser place aux textes qui déboulent.

    Ce n'était donc pas purement une perte de temps.

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  4. C'est jamais une perte de temps !

    Après "Choeurs de femmes", "Choeurs de mômes" ? Ca serait sympa, ça aussi^^

    Au fait, j'ai entendu dire qu'au Québec, le mot "gosses" avait un autre sens ;-D

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  5. "Pourquoi est-ce que je l'ai écrit ce texte?" dites-vous.

    Pourquoi écrit-on des textes "gratuits" quand on est submergé de travail, chargé de famille (et de l'intendance), bref quand on manque de temps?

    Pour faire une pause?
    Pour clarifier ses objectifs?
    Parce que l'on a des décisions à prendre , des choix à faire?
    Parce que les responsabilités,parfois c'est étouffant?
    Parce que les enfants, à l'adolescence, c'est pas facile?
    Parce que,comme vous le dites dans le titre, on
    a tous besoin de rêver?

    Pourquoi est-ce que j'ai des frénésies de ménage quand j'ai des tas de copies à corriger? Ou que je me mets à corriger à tour de bras plutôt que de préparer une nouvelle séquence de cours? ou bien que je décide soudain qu'un de mes enfants a besoin de nouveaux jeans précisément quand je suis surchargée?

    Parce que c'est ma soupape de sécurité, je crois, et que même si je ne suis pas dans mon bureau je pense de toute façon à ce que je vais/dois faire.

    C'est vrai que la correction de copies c'est chronophage et il faut bien l'admettre, pas toujours exaltant...
    Et que je m'inquiète pour mon fils lycéen, je suis en première ligne au boulot pour constater les conséquences quand les jeunes "se déchirent" un peu trop dans les fêtes.

    Alors, écrire un petit texte pour le blog, ou retravailler une nouvelle, "voler" un peu de temps sur le temps de travail et rester maître de mon temps finalement, ça me fait du bien.

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  6. Non, pas perdu le temps..
    Ce texte m'a fait sourire .. aux éclats, et je vais le faire voyager beaucoup, bien logé dans l'adresse du lien, histoire de semer réalisme, humour et sourires à travers les continents.

    Joyeuse semaine à vous.. prenez votre temps !

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  7. Ah justement, j'ai lu hier Orhan Pamuk (prix Nobel pour ceux qui en savent pas, moi à vrai dire je ne l'avais pas bien imprimé dans mon cerveau son nom...)qui disait de l'écrivain : "cet être dont le besoin essentiel n'est peut-être pas la littérature, mais une pièce où s'isoler avec ses pensées".
    Bon, ça se discute beaucoup ça, mais c'est fort intéressant, et ça rejoint ce que dit Mar(c)tin.

    Et puisque vous avez parlé d'un film, j'en propose un aussi, français, le meilleur film français vu depuis longtemps (si vous avez aimé "Bienvenue chez les ch'tis" pas sûr que vous aimerez celui-là, mais pourquoi pas...): "Le vilain" de et avec Albert Dupontel.
    [Albert Dupontel est l'acteur qui a joué Bruno Sachs dans le film "La Maladie de Sachs" de Deville, tiré du livre de Martin].
    "Enfermés dehors", un autre film de et avec Dupontel passe ce soir sur France 2...


    Ouh la mon dieu l'intendance, je ne connais que trop. Quand on travaille à temps partiel, eh ben ce petit bon qu'on a à la maison et pas au boulot, le conjoint croit qu'on peut tout faire pour la maison pendant ce temps : nettoyage du home sweet home, courses, repas, lessives, repassage, devoirs des enfants, préparation des repas, enfin bref, toute mère voit ce que je veux dire, moins évident pour les hommes, mais là, Mar(c)tin, il sait bien ce que ça veut dire!!
    Quant s'ajoute le boulot, un besoin de dormir 8 à 9h par nuit, et une maladie chronique qui vous empoisonne la vie, on n'a pas vraiment le temps de penser à écrire quelque chose de long et de structuré.
    Il faut bosser pour alimenter nos petits ogres en pépétes, c'est certain! Et les écouter (oui, c'est vrai, ça parle tout le temps! Et tant mieux, s'ils parlent, c'est qu'ils nous font confiance), sortir avec eux, au resto, au ciné, faire des soirées avec les potes (mais tout ça c'est un plaisir, mais c'est du temps en moins pour soi).

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  8. à propos de "c'est en avoir trop à écrire à la foi" ça fait penser à l'idée de page blanche dans un cours de Deleuze, et ça permettrait de contredire la conclusion ironique :

    "Si bien qu’écrire, se sera fondamentalement "gommer", ce sera fondamentalement "supprimer". Qu’est ce qu’il y a sur la page avant que je commence à écrire ? Je dirais il y a le monde infini, pardonnez-moi, il y a le monde infini de la connerie. Il y a ce monde infini c’est-à-dire, en quoi écrire est-il une épreuve ? C’est que, vous écrivez pas comme ça avec rien dans la tête, vous avez beaucoup de choses dans la tête. Mais dans la tête d’une certaine manière tout se vaut, à savoir ce qu’il y a de bon dans une idée et ce qu’il y a de facile et de tout fait. C’est sur le même plan, c’est seulement quand vous passez à l’acte par l’activité d’écrire, que se fait cette bizarre sélection où vous devenez "acte", je dirais la même chose pour parler. Quand vous avez dans la tête quelque chose, avant que vous parliez, mais il y a plein de trucs, mais tout se vaut, non d’une certaine manière non tout ne se vaut pas, mais vous avez beau mettre au point dans votre tête, il y a l’épreuve de passer à l’acte soit en parlant soit en écrivant qui est une fantastique élimination, qui est une fantastique épuration."

    La suite ici : http://www.univ-paris8.fr/deleuze/article.php3?id_article=40 (en milieu de page, sinon taper Ctrl + F et rechercher "blanche" dans la page en question)

    TS

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  9. Si vous voulez entendre Martin chanter, écouter le CD de "J'ai mal là", livre-CD des Chroniques sur arte-radio.
    Aller directement à la dernière piste et savourer (pour ceux qui ne connaissent pas encore la recette...)

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  10. Anne-la-bibliothécaire1 décembre 2009 à 15:14

    Ce n'est jamais du temps perdu que de dire ce qu'on a sur le coeur. D'abord ça fait du bien, ça soulage, c'est une soupape de sécurité et puis nous sommes là aussi pour vous écouter et vous soutenir que diantre ! Et vous n'êtes pas seul dans ce coup là. Les "devoirs" de la vie quotidienne quelle galère en effet. Moi qui n'ai pas d'enfant, pas de compagnon mais des contraintes quand même [bien que mon appartement soit un vrai carpharnaüm pour rat de bibliothèque! Il y a des livres, entre autres, partout] je vous comprends et je compatis. Mais "haut les coeurs". Il y a tant de personnes qui ont une vie vide de sens. Vous, ce n'est pas votre cas. Si votre vie "déborde" par tous les bouts réjouissez-vous-en ! Tant pis pour les râleries des enfants. Vous avez la chance d'en avoir et ils sont semble-t-il en bonne santé. Tant pis pour l'aspirateur non passé. Tant pis pour le temps non extensible cela veut quand même dire que vous êtes "occupé" dans le bon sens du terme. Tant pis pour les discussions avec les étudiants qui vous prennent du temps sur autre chose. C'est la vie que vous avez choisie il me semble et c'est toujours enrichissant de discuter avec des jeunes... J'arrête là mon commentaire [sans doute sans grand intérêt] et vous souhaite bon courage pour la suite. Je ne doute pas que vous ayez mille autres choses à faire que de me lire donc je vous laisse à vos chères écritures et faites fi du temps qui court...

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  11. Sans compter que parfois il faut choisir entre dormir et écrire....

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  12. Ouhla ! Si je suscite autant de commentaires avec un texte comme celui-là, ça doit vouloir dire quelque chose... Et entre autres, que ça n'est pas une perte de temps... Ca me rappelle ce que je disais à MPJ le jour où j'ai reçu le premier exemplaire de "La maladie de Sachs". J'ai dit "Personne ne va lire ça." Boy ! Was I ever wrong !

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  13. ...et si on compte en plus le temps pour lire les messages envoyés sur le net, y répondre, converser, expliquer, rassurer par messagerie interposée... Comment faire ? C'est un boulot pour Super-MW

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  14. http://www.youtube.com/watch?v=uytqjiYqNC4

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  15. A propos de "Lire, écrire. Rêver, peut être"

    Le manque de temps génère de la frustration, donc du plaisir.
    J'ai lu "Le Choeur des Femmes" principalement dans le métro (je lis peu le soir, car je m'endors généralement en dix minutes, et j'oublie ce que j'ai lu.)
    Au moment de sortir à ma station, la pensée me vient que je prendrais avec plaisir une journée pour finir le livre, que je n'aurais strictement aucune culpabilité à prendre tout ce temps pour moi.
    Pourtant, le soir, sur mon trajet de retour, je reprends ma lecture avec un plaisir proportionnel à la durée de ma journée de travail, pendant laquelle je me suis retenu de lire la suite de l'histoire.
    En aurait il été de même si j'avais passé toute la journée sur le livre ?

    Parfois, c'est tellement bon de se retenir. :)

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  16. @Olfi
    C'est gentil, mais je ne crois pas que je mérite vraiment des compliments : je fais tout ça assis dans un bureau face à un écran d'ordinateur. J'ai des outils. Et je n'ai pas de patron pour regarder ce que je fais. Ca simplifie beaucoup les choses. A bien des égards, je suis extrêmement privilégié...

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  17. @ rvqras : Je suis bien d'accord. La "continence", ça procure bien des plaisirs... ;-)

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  18. c'est un début de réponse sur le désir d'écrire, non?

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  19. Oui, et il y a ceux qui ont trop à lire à la fois ! Et ceux qui ont trop à écrire ET à lire en même temps !! Et qui du coup prennent la tangente et regardent un film ou une série...
    (Il y en a qui jouent ou écoutent de la musique, mais ça n'a plus l'air à la mode la musique, en ce moment...)

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