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samedi 29 novembre 2014

Le métier d'écrivant (28) - Publication, service de presse, "baby blues"

Est-ce toujours vous qui décidez du titre de vos livres ?

J’ai toujours un titre de travail, avant même de commencer l’écriture du livre. J’aime penser les livres à partir de leur titre, comme s’il fonctionnait de la même manière que si j’étais un lecteur : je choisis un titre qui m’attirerait si je n’avais pas écrit le bouquin ... et qui en dit suffisamment sur le contenu pour intriguer. Mais il peut arriver que le titre change en cours d’écriture ou juste avant la publication.

La Vacation, Les Trois Médecins et Le Chœur des femmes ont gardé leur titre initial. Mais La Maladie de Sachs s’est d’abord intitulé La Relation. Quelques mois avant publication, j’ai découvert qu’un autre roman portait le même titre. Sur les conseils de Paul, j’en ai cherché un autre, et il m’est venu en relisant le manuscrit. Quelque part, Bruno s’indigne que les médecins donnent leur nom aux maladies qu’ils observent alors qu’en toute bonne logique, ils devraient leur donner le nom du patient qui en souffre. Le meilleur exemple est celui de la sclérose latérale amyotrophique (SLA), qu’on nomme en France « Maladie de Charcot » d’après le médecin français qui l’a décrite, alors qu’en Amérique, c’est « Lou Gehrig’s Disease », du nom du champion de baseball qui en fut atteint à la fin des années trente. Et, parlant des médecins, Bruno ajoute : « Comment peut-on vouloir donner son nom à une saloperie ? » En relisant ça j’ai eu une révélation, j’ai fait une page de couverture avec mon nom, le nouveau titre, La Maladie de Sachs, « roman » et « POL » et je l’ai faxée à Paul. Cinq minutes après, le téléphone sonne et je l’entends me dire : « Génial ». Plus tard, beaucoup de lecteurs m’ont dit « Vous n’aviez pas peur de faire fuir les lecteurs, avec ce titre ? » Mais je n’y ai pas pensé une seule seconde. C’était le titre. Et il n'a pas effrayé grand-monde, manifestement. 

Mon dernier roman en date, je l’avais écrit avec un titre bien précis en tête, La Veillée. Et quand Paul l’a lu, il m’a appelé tout de suite pour me dire qu’il l’aimait beaucoup mais que le titre était un peu trop vague, il me suggérait En souvenir d’André. Il m’a – comme toujours quand il me fait une suggestion – proposé d’y réfléchir, j’ai réfléchi cinq secondes et j’ai dit : « Vous avez raison, c’est le titre. » Et voilà. Je pense que, comme pour La Maladie… le titre est toujours présent dans le projet ; parfois je le trouve du premier coup, parfois il faut le mettre au jour. Le titre de ce livre-ci a beaucoup changé en cours de route. Je l’avais intitulé Le métier d’écrire, puis Ecrire est mon métier ; j’ai hésité un peu sur Un métier d’écrivant, et comme « less is more », j’ai fini par opter pour Le Métier. C’est un titre comme je les aime : simple et richement polysémique – et c’est aussi un titre-hommage à L’Etabli, de Robert Linhart[1], livre qui m’a beaucoup marqué quand j’étais étudiant. Mais je ne sais pas ce que Paul en pensera quand il le lira.

Le roman que j'écris en ce moment, Abraham & Fils, a toujours eu plus ou moins ce titre. Comme Paul O.-L. aime beaucoup le titre et ce qu'il a lu du livre à ce jour, je pense que ce sera le titre définitif. Je crois aussi que les titres sont comme des "étiquettes mnésiques" pour les textes que j'ai envie d'écrire. Les Voies des Hommes, Les Sept Soignants, Les Démons, Some Other Time/Une autre fois - je peux d'ores et déjà raconter à peu près les histoires que ces titres représentent dans ma tête. Et comme j'ai toujours à l'esprit que je peux mourir d'un jour à l'autre, je pense que le fait de nommer les livres que j'ai envie d'écrire c'est une sorte de "gri-gri" contre l'angoisse de disparaître. Je peux imaginer que tant que j'ai un livre à écrire, je resterai vivant. Oui, je sais, c'est bête mais bon... Comme je suis athée, mes possibilités de faire face à l'angoisse de mourir sont limitées, forcément. 

Que se passe-t-il entre la remise du manuscrit et la publication ? Comment passez-vous cette période ?

Il y a plusieurs étapes : Paul le lit, il me fait quelques remarques, souvent très peu, mais elles peuvent se révéler déterminantes. Ensuite, il peut y avoir une préparation de copie : le correcteur relit le manuscrit, me fait des suggestions de corrections – que j’accepte ou refuse, s’il s’agit d’une orthographe ou d’une tournure volontaires. Le texte « provisoirement définitif » est mis en page, et on m’envoie un premier « bon-à-tirer » une image des pages telles qu’elles seront imprimées, que je relis et annote, puis un second, et parfois un troisième. Je relis tout, et c’est nécessaire : il y a toujours des coquilles ou des fautes ou des maladresses qui passent inaperçues, même alors qu’on est deux ou trois à relire.
Tout ça prend quelques semaines, parfois moins selon les délais dont on dispose. Souvent, j’ai autre chose à faire, mais la mise en page, les corrections sont toujours une tâche prioritaire pour moi, je tiens à participer à la publication du livre jusqu’au bout. Je relis et je corrige (des petites choses) sans arrêt jusqu'au moment où le livre est envoyé à l'imprimeur, c'est à dire jusqu'au dernier moment. Mais quand c'est fini, c'est fini. Une fois le livre imprimé, ça m'arrive de trouver encore quelques coquilles, mais je n'en fais pas une maladie. Je les signale et si le livre a plusieurs tirages, on les intègre dans les tirages ultérieurs et, s'il y en a une, dans l'édition de poche, qui devient alors l'édition "définitive". 

Pour Les Trois Médecins, il s'est passé quelque chose d'amusant : quelqu'un a appelé la maison d'édition en se plaignant que je l'avais mis en scène dans le roman, et en croyant qu'on avait travaillé ensemble par le passé. Or, j'avais simplement donné à un personnage de médecin le nom d'un syndrome assez connu... en oubliant que les médecins donnent leur noms aux maladies. Et ce lecteur était un parent du "découvreur-de-maladie" en question. Comme il trouvait un peu gênant (et je le comprends) que ses proches lui posent des questions en voyant son nom dans le roman, il m'a demandé de rebaptiser le personnage, ce que j'ai fait volontiers. Mais du coup, il y a deux versions du roman. Entre les tout premiers tirages et la version poche, un personnage change de nom... 

Certains auteurs réécrivent leurs livres, à vingt ans d'intervalle. Est-ce que vous seriez tenté de le faire ? 

Je ne crois pas que j'en éprouverais le désir. Je pense que chaque roman est le produit d'une période d'écriture, et que réécrire, ce serait en quelque sorte (pour moi, en tout cas) chercher à "faire mieux". Mais d'une part je pense avoir fait de mon mieux à ce moment-là. Repasser derrière, ce serait au fond réécrire le livre de quelqu'un d'autre, quelqu'un que je ne suis plus, ça me gênerait beaucoup. Et d'autre part, j'ai tellement de projets que je n'imagine pas reprendre un livre passé. J'ai écrit un long roman que Paul n'a pas voulu publier, Les Cahiers Marcoeur. On m'a suggéré à plusieurs reprises de le retravailler, mais je n'en ai pas envie. J'ai fait ce que j'avais à faire dessus, à l'époque. Je l'ai "dépassé", dans une certaine mesure. Et c'est bien comme ça. C'est une étape, je vois tous mes textes comme des étapes, des pavés sur une route. Je ne vais pas passer mon temps à les polir pour les ajuster. Je préfère aller de l'avant. L'essentiel c'est qu'on puisse circuler, et que la route aille dans la direction que j'ai choisi. 




En quoi consiste le service de presse ?

C’est une sorte de rituel : l’éditeur a préparé une liste de journalistes et de proches de la maison – les administrateurs, les agents qui présentent les livres dans certains pays étrangers, les directeurs des éditeurs de poche, des amis éditeurs, etc. - auxquels il est prévu d’envoyer le livre. P.O.L ne fait jamais d’envoi monstrueux : c’est inutile. La liste comporte en général entre trente et cinquante noms, ce qui est déjà beaucoup. Mieux vaut envoyer le livre à des personnes choisies, qui s’intéressent à la production de la maison, plutôt que d' "arroser" à l'aveugle. Et on ne leur envoie que des livres choisis, susceptibles de les intéresser, car tous les critiques ne s’intéressent pas à toute la production d'une maison. Les personnes à qui on adresse un recueil de poésie de Pierre Alféri ne sont pas strictement les mêmes que celles à qui on envoie un volume du Journal de Charles Juliet ou un roman d’Emmanuelle Pagano. 

Ça aussi c’est significatif de la personnalisation du traitement dont nous bénéficions, chez P.O.L et dont, à mon avis, tous les auteurs devraient bénéficier. Cette relation personnelle m’importe énormément parce qu’au fond, personne ne connaît aussi bien mes livres et mon travail que Paul et les membres de P.O.L. Je ne veux pas avoir affaire à quelqu’un d’autre – je n’ai jamais eu la vélléité de prendre un agent, par exemple, ce serait absurde, je suis trop bien traité : je ne suis jamais obligé d’aller à une émission ou de répondre un journaliste, il est bien entendu que personne ne me reprochera de refuser ; on me dit toujours  : « Si vous avez trop de travail pour y aller, votre travail est plus important. » Les auteurs P.O.L sont très protégés. 

En pratique, le service de presse se passe très simplement : l’auteur s’assied au milieu d'une pile de bouquins et écrit des dédicaces sur la page de garde. Mieux il connaît le destinataire, plus la dédicace est personnelle, bien entendu. 
Chez P.O.L, ce rituel n’est pas du tout obligatoire et chaque auteur choisit de le faire ou non. La première fois, pour La Vacation, j e l’ai fait pour toutes les personnes sur la liste. J’ai écrit ma dédicace sur la première page, qui porte juste le titre du livre. Et puis un jour, en passant chez un bouquiniste du Quartier Latin, j’ai trouvé un exemplaire neuf, qui n’avait pas été lu et dont la première page avait été soigneusement découpée. Le bouquiniste m’a expliqué qu’un critique littéraire, qui vivait dans le quartier, venait régulièrement lui vendre au poids les livres qu’il recevait en service de presse (ils portaient autrefois sur leur couverture les lettres « SP » imprimées ou perforées, pour éviter qu’on les revende). Alors, depuis, je ne signe que les exemplaires destinés à des personnes que je connais ou que j’estime. Je sais qu’un journaliste qui aimera le livre en parlera, même s’il n’est pas signé. Et je raye de la liste les personnes à qui je ne veux pas qu’on l'envoie le livre. S’ils veulent le lire, ils n’ont qu’à aller l’acheter, comme tout le monde. 

Que disent vos proches, vos amis, de vos livres ? Est-ce qu’ils les lisent dès leur parution ?

Ca dépend des fois. Depuis La Vacation, j'offre un exemplaire de chacun de mes livres P.O.L à mes proches. Mais je n’attends pas qu’ils les lisent systématiquement ; je comprends qu’ils n’en aient pas forcément le désir. Quand ils me disent : « J’ai lu tel ou tel de tes livres » – parfois plusieurs mois ou années après sa publication – je suis très content. Ce sont mes proches, mais ils ont le droit, comme tout lecteur, de ne lire que ce qu’ils ont envie de lire, je n’ai pas d’ego à cet égard. Un jour, je déjeunais pour la première fois avec un auteur français extrêmement populaire. L’un de mes fils était un de ses fans, et quand je me suis retrouvé à table avec lui je lui ai tendu un ou deux bouquins à signer en lui disant « Un de mes garçons les a tous lus, il est très excité de savoir que je déjeune avec toi ! » Mon interlocuteur a secoué la tête et répondu, sur un ton très navré : « Quand je pense que mon fils, lui, ne veut jamais mettre le nez dedans ! » Ca m’a surpris et j’ai eu de la peine pour lui : il avait des centaines de milliers de lecteurs mais celui qui aurait compté le plus pour lui ne s’intéressait pas à ce qu’il écrivait. J’ai essayé de le consoler en lui disant que ça viendrait un jour, parce que c’est l’expérience que j’en ai eue. Mais ça m’a donné à réfléchir. 

Est-ce que j’écris des livres pour que mes enfants ou mes proches les lisent ? La réponse est non. Je n’attends pas de mes proches qu’ils lisent mes livres. Je ne les écris pas à leur intention. Je les écris pour le lecteur imaginaire que j’étais adolescent ou jeune homme, et pour celles et ceux qui ressemblent à ce lecteur imaginaire. Il se peut qu’un de mes proches fasse, occasionnellement, partie de ces lecteurs ; mais c'est à elle ou à lui d'en décider. Après avoir offert mes livres à mes proches, je ne leur demande jamais s’ils l’ont lu et ce qu’ils en ont pensé. je ne veux pas leur donner le sentiment que j’attends leur avis, leur approbation ou leurs commentaires. Et je présume que s’ils le lisent, ils m’en parleront spontanément. Je suis heureux qu’ils décident de le faire, au moment où ils en ont envie mais, s’ils ne les lisent pas, c’est très bien aussi. Je n’ai pas besoin qu’ils lisent mes bouquins - d'abord parce que j'en ai écrit beaucoup trop. Mais quand ils le font et m'en parlent, j'en suis très heureux. 


Est-ce que vous souffrez de « baby blues » quand vous avez fini un livre ?

Pas juste après. Quand le livre imprimé arrive, je suis heureux de le voir, je le feuillette, je le montre à mes proches, et lorsque je vivais en France, j’allais faire le service de presse chez P.O.L. L’anxiété vient plus tard, entre le service de presse et le moment où sort le premier article. Mais depuis que je vis à Montréal, tout ça est « tamponné » par le fait que je suis loin et que j’ai autre chose à faire. Je ne fais plus de service de presse, puisque je ne suis pas là pour signer les livres, et franchement, ça ne me manque pas plus que ça. Le baby blues vient du fait que, brusquement, tous les échanges autour du livre que j'avais avec les membres de la maison d'édition - qui le lisent en général quand il est en fabrication, ou juste avant - cessent brusquement. Mon livre est fini, et je ne peux plus en parler avec personne, puisque, dans une certaine mesure, tout est dit. Et pour moi, c'est difficile : j'aime parler de mes livres, avant, pendant et après que je les ai écrits. Alors j'ai la chance que beaucoup de mes livres sont lus, et je peux souvent rencontrer des lecteurs, mais quand le livre n'est pas lu et n'a pas d'échos (c'est arrivé plus souvent que l'inverse, étant donné le nombre de bouquins que j'ai publiés), c'est un peu difficile, parce que je me suis entièrement donné à l'écriture. Alors, oui, j'ai des phases de blues et de tristesse, mais je finis par me remettre au travail. Ma chance, c'est que je n'écris pas que des romans, mais aussi des livres "engagés" et des choses assez diverses. Alors j'ai rarement l'occasion de me laisser glisser dans la dépression. J'ai trop de travail pour ça, et j'aime travailler.  

(A suivre...) 

Prochain épisode : Lisez-vous les critiques de vos livres ? 





[1] Editions de Minuit, 1978

lundi 17 novembre 2014

Le métier d'écrivant (27) - L'écriture au jour le jour : Idées, contraintes, construction, doutes

Comment vos idées de roman vous viennent-elles ?

En gros, il y a trois cas de figure. D’abord, il y a les romans que j'ai écrits à des étapes-clé de mon activité médicale – La Vacation, La Maladie de Sachs, Le Chœur des femmes. Ils répondaient à un besoin très puissant de "faire état" de ce que j'avais vu et cru comprendre... Ils se sont en quelque sorte "imposés". Ensuite, il y a des projets auxquels je pense pendant longtemps, comme Les Trois Médecins ou La voix des hommes, le roman familial que j'aimerais écrire dans les années qui viennent ; ou cet autre projet qu'est Les Sept Soignants, un roman inspiré par ma participation à des groupes Balint – des groupes de parole pour soignants entre 1984 et 2001. Il y a aussi les "commandes" - les romans policiers, les romans de SF - qui m'ont été suggérés ou demandés par des éditeurs. Enfin, depuis quelques années, j’éprouve le besoin de transposer sous la forme de romans une expérience plus intime, plus intérieure. C’est le cas d'En souvenir d’André, qui était aussi, en quelque sorte, une manière de faire état d'une réflexion sur le soin

Et puis, j’ai plusieurs autres projets sur le feu : un roman de science-fiction, un roman réaliste, Les Démons, projet qui s’inspire de mes lectures en psychologie évolutionniste. En ce moment, je travaille à un roman qui s'intitule Abraham & Fils, et qui est le récit d'une enfance, différente de la mienne, mais qui se déroule dans une ville et une maison qui ressemblent beaucoup à celles où j'ai grandi. 

A première vue, je crois bien que tous mes romans se construisent à partir d’une triple armature : une expérience personnelle et/ou professionnelle, le partage d’un savoir et d’une réflexion, et une trame narrative, qui est soit créée de toute pièce, soit empruntée, ou encore puisée dans mon environnement : cette trame peut être constituée d'un lieu ou d'une chronologie qui me sont personnels, ou suivre les grandes lignes d'un livre ou d'un film qui m'ont marqué (Les Trois Mousquetaires, Terminus les étoiles, Barberousse).



Ca commence toujours par une idée assez simple : décrire la journée d'un médecin qui pratique des avortements ; montrer l'activité d'un généraliste ; raconter les études de médecine dans les années soixante-dix ou la transformation morale d'un professionnel de santé qui s'est fermé au monde... Et puis, à force de jouer avec elle, l'idée s'enrichit et se transforme en une histoire plus complexe.


Rédigez-vous un plan préalable ? Et si c'est le cas, le suivez-vous  ? 

La vérité, c'est que j'aimerais construire mes livres de manière organisée, rationnelle, mais ce n'est presque jamais le cas. Je procède toujours par essais et erreurs. Quand je dispose d'une trame pré-établie, ça va plus vite : je m'en sers comme "tuteur" de la narration. Quand ce n'est pas le cas, je suis obligé de tâtonner. A défaut de plan, je m'efforce toujours de savoir à peu près où (quand, comment) le roman commence et où/quand/comment il finit. Je tends vers cette fin. Pour La Maladie de Sachs, j'avais la fin (la rencontre avec le lecteur/la lectrice) bien avant d'avoir décidé de ce que le roman raconterait. Beaucoup d'épisodes ont été "inventés" au fil de l'écriture. D'autres ont été conçus très tôt dans la rédaction. Comme c'est un roman "modulaire", avec un tas d'histoires à suivre, il est assez compréhensible que certaines de ces histoires aient été imaginées intégralement très tôt, et d'autres au fil du temps.

Il m'arrive d'utiliser des "plans" (ou quelque chose qui y ressemble), mais différemment selon le moment où je me trouve dans le roman.
La "trame générale" sert à me lancer. Et puis, quand je suis arrivé aux 2/3 du livre, j'ai besoin d'avoir une sorte de "découpage" qui va me permettre d'arriver à la fin - à la "chute" du livre ; alors, je le couche sur le papier, pour avoir clairement la succession des chapitres ou des événements en tête.

C'est surtout vrai pour les romans policiers, mais c'était vrai aussi pour Le Choeur des femmes par exemple. J'ai dû travailler beaucoup pour construire l'histoire familiale de Jean, racontée à la fin du roman. Elle devait être vraisemblable et être racontée de telle manière qu'on n'en connaisse le fin mot qu'à la fin...


Est-ce que vous écrivez vos livres dans l'ordre ? Dans le désordre ? En commençant par la fin ?

Je pense beaucoup à mes romans avant de me mettre à écrire "au kilomètre", j’écris souvent des chapitres isolés, des scènes, des dialogues. Ca me permet de mettre en place des idées qui me semblent importantes à ce stade-là - et qui  vont parfois se retrouver à une place presque confidentielle...

Ainsi, quand j’écrivais La Vacation, j’avais comme texte “central” du roman la description d’un avortement pendant lequel Bruno Sachs éprouve le fantasme très désagréable, très culpabilisant, que les gémissements de douleur de la femme qu’il avorte sont des gémissements de plaisir. J’avais décrit ça sur trois pages, et dans la version finale, ça ne représente que deux lignes du roman. J’en ai tiré ensuite la leçon suivante : ce qu’on écrit en premier peut se révéler insignifiant alors même que ça paraissait essentiel. Ce qui vient à la pensée en premier est ce qui est le plus spectaculaire, mais à la longue, ce n'est probablement pas ce qui est le plus signifiant. Alors j'accepte que les "bonnes" idées qui me viennent d'emblée ne soient, finalement, que des ébauches, des esquisses.

Mais l’expérience inverse est vraie aussi. L’un des premiers textes que j’ai écrits pour La Maladie de Sachs est une longue réflexion sur la “toilette du mort” que Bruno est amené à faire avec l’épouse d’un patient dont il vient constater le décès. J’ai écrit ça un jour, sans savoir exactement où ça irait dans le roman. Et puis j’ai eu l’occasion de le lire en public, au cours d’un colloque “Médecine et littérature” à Cerisy-la-Salle en 1994, et les réactions des personnes présentes - Anne Roche, en particulier - m’ont donné à penser que ça devrait aller à la fin du roman. Ca m’a suggéré que la fin du roman devait parler de la mort (sous toutes ses formes), et cette idée m'a guidé pour écrire. 


Quoi que j'écrive, j’ai toujours besoin de ça : un point de départ, la fin et une sorte de structure générale du texte, qui peut être rythmée par l’écoulement du temps : une journée dans La Vacation, neuf mois dans La Maladie... ou une vie dans En souvenir d’André. 

Et parfois, je ressors des textes écrits ailleurs et je les intègre à la structure du roman : dans Les Trois Médecins il y a une nouvelle, intitulée "Visite guidée", que j'avais écrite bien avant et dont je ne savais pas quoi faire. Elle est devenue un texte écrit par Bruno Sachs et proposé à la revue clandestine d'étudiants contestataires à laquelle il participe. 

Ce qui montre à quel point la construction n'est pas toujours linéaire, mais procède par intuition, tâtonnements, essais et erreurs, et surtout associations libres. Cette capacité (c'est à la fois un don et une malédiction) à associer facilement des formes, des mots, des noms, des histoires me permet de mettre beaucoup de choses dans mes textes, mais elle est aussi la raison pour laquelle ça me prend du temps : il me faut essayer beaucoup d'agencements, d'associations, de schémas différents avant de trouver ce qui fonctionne. Perec (et Queneau avant lui) disaient qu'un écrivain est un rat qui construit le labyrinthe dont il se propose de sortir et qu'il laissera ensuite le lecteur explorer. Ecrire est un jeu.  



J'ai le sentiment que chaque roman est un puzzle en trois dimensions, vous savez, ces puzzles de bois qu'on assemble pour leur donner la forme d'une sphère ou d'un cube ou d'un animal. Quand l'animal est une baleine, ça donne Moby-Dick... 

Ecrire un roman, pour moi, c'est un peu ça. A ceci près que je ne connais pas toujours la forme finale que je cherche à obtenir. Quand je la connais (Les Trois Médecins, Le Choeur des femmes, Le Numéro 7), j'ajuste des pièces à l'intérieur d'une trame pré-définie. Mais quand je ne la connais pas, je les taille l'une après l'autre et je les assemble à mesure que j'avance. Ca donne La Vacation ou La Maladie de Sachs ou En souvenir d'André ou un de mes romans policiers ou de SF. Ce ne sont pas les mêmes contraintes dans les deux cas et, du coup, ça ne donne pas les mêmes figures achevées. C'est évidemment plus long quand je ne sais pas à quoi ressemblera le livre une fois fini. Plus angoissant, aussi. Je ne sais pas si je vais y arriver. 

En ce moment, je suis en train d'écrire un roman (Abraham & Fils), et je pense sans arrêt à un autre roman (titre provisoire : Une autre fois, c'est une histoire d'amour et de voyage dans le temps, une transposition du mythe d'Orphée). J'écris le premier sur l'écran, et je ne cesse de penser à la forme de l'autre. C'est une situation très étrange, ça ne m'est jamais arrivé auparavant. Le premier livre a une trame relativement simple, chronologique. Le second joue avec le temps, puisqu'il y est question de retours en arrière, de désir de changer le passé, et des paradoxes ou contradictions qui s'ensuivent. Et pour ce deuxième livre, je n'ai pas de plan. Alors il faut que je l'invente, que je le bricole, que je le schématise entièrement dans ma tête (je prends aussi des notes, mais je ne les utilise pas toujours). J'ai beau avoir lu des dizaines d'histoires de voyage dans le temps, il faut que je trouve une forme spécifique à celle que je veux raconter. Et c'est beaucoup plus compliqué que je ne le pensais au début.  C'est une histoire d'amour, ça ne peut pas être simplement une construction logique. En même temps, mon modèle, c'est The Time Traveler's Wife, qui est un pur chef-d'oeuvre, et je sais que je ne ferai pas aussi bien. Mais bon, on écrit toujours en ayant les chefs-d'oeuvre en tête, et en faisant de son mieux. 


Vous avez utilisé le mot “contrainte”. Est-ce que vous avez parfois recours à des contraintes au sens oulipien ?  Et vous sentez-vous proche des Oulipiens, en général ? 

Pour tout écrivant, l'exemple et la liberté des Oulipiens sont très stimulants, et j’ai eu souvent recours à des exercices oulipiens dans les cours de création littéraire ou les ateliers d’écriture que j’ai eu l’occasion d’animer. Les contraintes que je choisis pour mes livres, en revanche, sont le plus souvent très lâches ; quand j'en utilise, elles servent à la construction du scénario (ce qu'on nomme "plotting" en anglais), mais ne portent pas sur la syntaxe ou les formes stylistiques. Je me sens proche de plusieurs Oulipiens – Perec, Roubaud, Jouet, Mathews, Calvino – parce que j’aime leur manière d'employer les jeux de mots, et les explorations de la langue qu’ils associent à l’écriture. Et aussi les histoires qu'ils racontent. Prenez le magnifique Cigarettes de Harry Mathews. C'est un roman sentimental avec des personnages de soap-opera, mais sa construction narrative est plutôt dans la veine de  Rashomon ! Cela dit, malgré toute mon admiration, je ne peux pas dire que les Oulipiens soient une inspiration directe pour écrire - le soin qu'ils apportent à leurs textes est très stimulant, mais je ne suis pas un Oulipien dans ma manière de travailler. 

Est-ce que l'histoire compte plus que le style à vos yeux ? 

Pas exactement. Il est vrai que "le style", je ne m'en soucie pas. Je ne cherche pas à avoir un style particulier, non parce que j'écris sans faire attention à ce que je dis, mais je ne me préoccupe pas vraiment de savoir si ma phrase sera "belle" ou "poétique" ou "imagée". Ce que je veux, c'est qu'elle dise ce que j'ai à dire. C'est aux autres de parler de mon style, si j'en ai un (et je ne suis pas sûr d'avoir un style reconnaissable). Cela étant, j'aimerais entendre dire que mes textes sont "bien ficelés", bien construits. Et je ne veux pas non plus laisser entendre que la langue n'a pas d'importance à mes yeux, elle en a beaucoup, et je m’efforce d’adopter un mode narratif, des formes qui servent le récit, mais je sais qu’il y a des approximations ou des maladresses dans ma manière d’écrire le français, j’utilise parfois des tournures non par décision esthétique mais parce que je les utilise dans la vie courante, parfois sous une forme inhabituelle, mais je me fous complètement de savoir si ça se fait ou pas. C’est secondaire, dans mon esprit, à la cohérence du propos, au mouvement, au souffle de l’histoire. Quand je lis, je veux que ça bouge, je veux que chaque seconde de l'histoire soit vécue pleinement par le lecteur, si possible en apprenant quelque chose ou en faisant un expérience nouvelle. Mon ennemi numéro un en tant que lecteur, c’est l’ennui. Quand je lis, je ne veux pas m’ennuyer. Alors quand j'écris, je fais toujours de mon mieux pour ne pas ennuyer les autres. Les lecteurs n’ont pas de temps à perdre et je ne veux pas qu'ils s'attardent sur des phrases qui s'écoutent parler.
Je veux qu'une fois entré dans le livre, ils n'aient plus envie de le lâcher.


Alors je me préoccupe d'abord de mettre en place une histoire bien construite, pour maintenir en haleine le lecteur que je porte en moi. Ensuite, seulement, je m'occupe de l'écriture. Ce qui fait que mes textes sont sûrement moins "achevés", stylistiquement parlant, que ceux d'écrivants plus pointilleux sur le vocabulaire et la syntaxe. 

Qu’est-ce que c’est qu’une histoire “bien construite”  ?

C’est une histoire que le lecteur ne veut pas cesser de lire... et dont la fin ne le laisse pas sur sa faim. Autrement dit : une histoire livrée de manière intéressante (on y apprend des choses) et par petites touches (on a envie de connaître la suite), jusqu’à la conclusion, qui doit éclairer la plupart des questions soulevées en chemin. Tous les itinéraires doivent se conclure, rien d'important ne doit être laissé dans le vague - à moins, évidemment, qu’on ne veuille écrire une suite. 

J'ai l'idée, un peu simpliste sans doute, qu’un bon roman - je veux dire, un roman bien construit - tient les promesses implicites ou explicites de ses prémices et de son chapitre d'exposition. Et que ça se sent dans son titre. Quand vous ouvrez un livre intitulé L’île au trésor, il faut que ce soit un roman d'aventures. Quand ole début d’un roman comme Une étude en rouge vous présente un individu dont les pouvoirs de déduction sont extraordinaires, il faut que la suite du roman le montre en action. Et si vous croisez un roman intitulé fils, vous vous attendez à ce que la polysémie du titre reflète le contenu - qu'il y soit question de liens et de relations mère/femme-fils/homme. Un roman, c'est une promesse.

La meilleure représentation de cette “promesse”, elle est énoncée au début d’un film formidable, The Princess Bride, de Rob Reiner, qui est aujourd’hui un classique populaire dans le monde entier. Au début du film, un garçon d’une douzaine d’années est au lit avec la grippe, il joue à un jeu vidéo sans intérêt, et sa mère annonce que son grand-père vient lui tenir compagnie. Le grand père, qui est interprété par Peter Falk, lui apporte un livre qu’on se lit de génération en génération dans leur famille. Il lui annonce de l’aventure, des mystères, de l’amour, des trahisons, des vengeances... Le gamin accepte, à contrecoeur, d’écouter l’histoire (il est sûr qu'il va s'ennuyer). Nous sommes tous ce petit garçon malade : on veut bien écouter une histoire à condition qu’elle nous emballe, qu'elle nous transporte. Alors bien sûr il y a de multiples manières d'emballer les lecteurs, des genres très nombreux, des procédés tous plus roués les uns que les autres. Peu importe ceux qu’on choisit, l’essentiel est qu’à la fin, le lecteur ne soit pas déçu.  




Et comment faites-vous pour ne pas décevoir le lecteur ?

Je fais de mon mieux ! En jouant, en m’amusant, en gardant à l’esprit les lectures qui m’ont transporté autrefois, pour faire plaisir au lecteur que je suis. Je sais ce qu'est une péripétie (j'en ai lu beaucoup) alors j'essaie d'en construire qui me font plaisir à lire. En espérant que d'autres lecteurs les apprécieront. En écrivant le Chœur des femmes, j’avais décidé qu’il ne s’agirait pas purement et simplement de l’histoire d’un jeune médecin arrogant transformé par un vieux routier. Je voulais parler aussi de la quête symbolique que Jean et Karma mènent, chacun de leur côté, et au lieu de les traiter séparément, j’ai eu l’idée de les lier l’un à l’autre. Et pour ça j’ai dû inventer – je veux dire par là « imaginer » et « mettre au point » - une sombre histoire de famille, avec abandon d’enfant, falsification d’identité, trafic d’influence et autres complexités administratives. Il a fallu que je bosse non seulement sur des questions juridiques, mais aussi sur l’aspect psychologique de ce que je construisais. Ça m’a demandé beaucoup de réflexion, d’hypothèses, de simulations, mais j’ai fini par élaborer une histoire plausible. Mélodramatique, certes, mais plausible à mes yeux. Elle ne l’est pas pour tout le monde – certains critiques, certains lecteurs n’ont pas « mordu » et on trouvé ça tiré par les cheveux ou ridicule. Mais j’aime ma fin, et je n’en changerais pas une virgule. Chaque fois que je la relis, j’ai les larmes aux yeux, et c’est exactement l’effet que je voulais obtenir.

Evidemment, je sais que ça marchera pour des lectrices et des  lecteurs qui ont des goûts similaires aux miens et seulement pour ceux et celles-là. Mais je n’ai pas pour vocation de plaire à tout le monde, ce serait vaniteux. J’écris pour les lecteurs à qui je ressemble. C’est un peu comme un musicien ou un chanteur des rues. S’il joue du violon ou de la harpe, il va attirer les passants qui aiment ces instruments et leur répertoire. S’il chante du Bob Dylan ou du John Lennon, il en attirera d’autres. Moi, j’écris un certain genre d’histoires, qui intéresse un certain type de lecteurs. Je n’en connais pas le nombre, qui varie d’ailleurs d’un livre à l’autre parce que je n’écris pas tout à fait le même livre à chaque fois, j’explore des genres divers et des formes différentes. Alors, un lecteur peut aimer certains de mes livres et ne pas aimer ou ne pas être tenté par d’autres. C’est comme ça, je le sais et ça ne me peine pas. Personne n’est obligé de me suivre.

Quand quelqu’un me lit, j’espère qu’il ou elle le fait librement, par plaisir, et non par obligation. Le lecteur n’est déçu que s’il attendait la même chose. Il devrait se douter qu’il ne retrouvera pas le même plaisir, mais qu’il sera entraîné dans une expérience différente. C’est ce que je recherche dans chaque livre, même si les thèmes en sont proches, et je ne m’attends pas à ce que les lecteurs de l’un de mes livres retrouvent la même chose dans les autres. Je trouve déjà qu'avoir des lecteurs pour un livre, c'est une chance considérable.

C'est aussi pour ça que je ne suis jamais sûr de "réussir" chaque fois que je commence un nouveau livre. J'ai au moins deux incertitudes : "Est-ce que je vais écrire un livre qui plaira à mon lecteur intérieur ?" et "Est-ce que le livre plaira aux lecteurs/trices extérieur(e)s ?" Quand j'écris un livre (surtout quand je suis fatigué, quand je n'avance pas), ces deux questions sont toujours présentes. Et le doute persiste après que le livre est terminé : quand il est publié, et bien après.

Vous avez publié beaucoup de livres. Et ce doute persiste, malgré tout ? 

J'ai publié une cinquantaine de livres, une dizaine ont rencontré un succès important. Je n'ai donc pas à me plaindre, ni en termes de reconnaissance publique, ni des bienfaits matériels que ça m'a apporté. Mais le seul livre qui compte, émotionnellement parlant, est celui que j'écris, au moment où je l'écris, et jusqu'à ce que je sois plongé dans l'écriture du suivant, ce qui peut demander plusieurs mois. Le doute est, en quelque sorte, consubstantiel à l'écriture de mes textes de fiction - j'ai beaucoup moins de doutes quand j'écris un article pamphlétaire ou un texte enthousiaste au sujet d'une télésérie. Et chaque fois que j'écris un roman, surtout quand il s'agit d'un projet personnel, né de mon seul désir, le doute revient.



Et n'est pas la réception du texte qui me préoccupe, pendant l'écriture : c'est le doute sur l'intérêt du texte "dans l'absolu" (il y a tellement de livres à lire, pourquoi en écrire un de plus ?), le doute sur ma capacité à l'écrire jusqu'au bout, à le construire de manière satisfaisante à mes propres yeux. Quand il est terminé et publié, je ressens un certain soulagement. Je peux être triste qu'il n'ait pas la réception que j'espérais mais au moins il est écrit, et je sais que j'ai fait du mieux que j'ai pu. Et puis, le projet suivant prend le dessus. Dans un premier temps, c'est excitant, enivrant, même... Mais au bout d'un moment, le doute revient.

J'imagine que c'est la même chose quand on se dit : "Je vais traverser la Manche à la nage", c'est excitant, on planifie ça en long, en large et en travers. Et puis le jour où on se jette à l'eau on se dit : "Bon Dieu ! Comment je vais faire pour nager sur trente kilomètres ???"

Finalement, ce dont je doute, c'est de parvenir à achever mes textes. Et le fait d'avoir publié des dizaines de bouquins et des centaines de textes divers - articles, nouvelles, chroniques - n'y change rien. Comme si j'avais chaque jour quelque chose à prouver.

Il y a un an ou deux, quand Philip Roth a annoncé qu'il avait définitivement cessé d'écrire, je me suis dit : "Bon, c'est pas comme s'il avait encore quelque chose à prouver". Mais je me demande si je ne faisais pas erreur. Il n'a plus envie d'écrire de la fiction. C'est un état que je n'imagine tout simplement pas. Je ne m'imagine pas n'ayant plus envie de raconter des histoires - oralement ou par écrit. Peut-être que lorsque le désir n'est plus là, le doute disparaît. Si c'est le cas, je n'ai pas envie que le désir s'en aille. Je préfère garder mes doutes. 

(A suivre...)