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lundi 27 janvier 2014

Le métier d'écrivant (13) - La Maladie de Sachs




La Maladie deSachs a rencontré un grand succès public (1). Vous y attendiez-vous ? Comment l’expliquez-vous ?

Quand j’ai publié La Vacation, le sujet - l'avortement - me tenait tellement à cœur, il me semblait si fondamental que je m’attendais à un raz-de-marée de lecteurs ; il n’en a touché qu’un tout petit nombre, alors ça a calmé mes fantasmes. Dix ans plus tard, quand le premier exemplaire imprimé de La Maladie... est arrivé chez moi, en décembre 1997, j'étais à la fois heureux de publier un deuxième roman, et un peu désabusé. J'ai feuilleté le bouquin, et puis je l'ai posé sur la table en soupirant. Ma compagne m'a demandé pourquoi. J'ai dit : " C'est un gros bouquin, il raconte des choses déprimantes, personne ne va lire ça..." Elle a répondu du tac au tac : "Taratata ! Ca intéresse tout le monde." 

Un peu plus tard, un de mes fils, qui avait alors quatorze ans, a dit en voyant le bouquin : "Ah, tu vas voir, ça va marcher." Je lui ai répondu : "Tu sais, mon fils, faire lire ses livres, c'est difficile quand on n'est pas connu..." J'essayais de compenser son enthousiasme parce que je ne voulais pas qu'on soit déçu, lui comme moi. Enfin, surtout moi, je pense. Et il m'a répondu ce truc formidable : "Ecoute, Papa, y'a que deux solutions. Ou bien ça marche, ou bien ça marche très bien.

Evidemment, je ne crois pas que les commentaires de deux de mes proches étaient prémonitoires, car le bouquin aurait très bien pu ne pas marcher, pour des raisons indépendantes de son contenu propre. Mais ça en dit long sur la confiance qu'ils avaient en moi ; à ce moment-là, nous étions tous très loin d'imaginer ce qui allait se passer, et ça m'a fait beaucoup de bien de les entendre. 

Quand quelques années plus tard j'ai publié Contraceptions mode d'emploi j'étais sûr que ce serait un succès de librairie explosif. Il y avait beaucoup de presse prévue, j'avais participé à une émission de plus d'une heure sur le sujet un soir sur France 2... Mais on était début septembre 2001, et on n'avait pas prévu que le 11 septembre, quelque chose viendrait brutalement mettre le monde en suspens. Pendant de nombreuses semaines, les gens n'ont plus acheté de livres... Alors je suis depuis très longtemps conscient des aléas du succès d'un livre car il y a beaucoup d'autres choses en jeu que ses qualités. 

Et je crois que personne ne peut s’attendre à un succès d’une telle ampleur, sauf quand il s’agit d’une suite, comme un volume de Harry Potter. Cela étant, Paul Otchakovsky-Laurens a pensé tout de suite que le livre trouverait son public et il a décidé de faire passer le tirage initialement prévu de 5000 à 7500. Le livre est sorti en janvier 1998, il a eu un peu de presse à ce moment-là, toujours louangeuse – Libération, L'humanité, Les Inrockuptibles, La Quinzaine Littéraire, et un papier de Daniel Martin dans Le Magazine littéraire qui a attiré l'attention d'un certain Michel Deville mais c’est à peu près tout. Le Monde et Télérama, qui étaient à l’époque les grands prescripteurs de livres, n’en ont pas parlé. Et très vite, j'ai appris qu'il était sélectionné pour le Livre Inter, ce qui m'a surpris et fait très plaisir. Mais c'est le travail des libraires qui a été déterminant : ils aimaient beaucoup le livre, en ont commandé beaucoup et l'ont conseillé à leurs clients les plus fidèles. Lorsque le jury d’auditeurs de France Inter s'est réuni pour décerner le prix, il s’en était déjà vendu huit mille exemplaires sans télévision et avec quelques articles, ce qui était énorme pour le deuxième roman d'un inconnu. Mais cela signifiait que le bouche-à-oreille était solide, et rappelez-vous qu'à la même époque, La première gorgée de bière... de Philippe Delerm avait atteint les cent mille exemplaires presque exclusivement grâce à ça. 

Bien sûr, grâce au prix, les ventes ont explosé mais ce n'est pas la seule explication du succès : La Maladie… s’est vendu beaucoup plus qu’aucun autre Livre Inter auparavant ou depuis. Il y avait donc dans ce succès quelque chose qui était inhérent au roman lui-même. Evidemment, je dis ça a posteriori, à partir de ce que les lectrices et lecteurs m’ont raconté, en sachant qu’on peut acheter un livre ou l’offrir – ce qui a été souvent le cas de celui-ci – sans qu’il soit lu. 

Nous cherchons du sens à tout, et le succès d'un livre n'échappe pas à la règle, mais il y a en gros deux types d'explications au succès de ce livre. 

Dans la bouche des lecteurs - aussi bien ceux de la première heure que ceux qui l’ont lu plus récemment - ce qui revient le plus souvent est que, pour la première fois, un roman parlait des relations entre médecins et patients en donnant la parole aux patients, et non au médecin ; et puis, c'est un roman dans lequel beaucoup de personnages défilent, ce qui fait que nombre de lecteurs m’ont dit se reconnaître dans les préoccupations de l'un ou de l'autre - voire de plusieurs. Il y a aussi – ça, c’est plutôt ce que les libraires m’ont dit – c’est un bon livre. Un bon livre, on en parle avec enthousiasme, et cet enthousiasme donne envie à d’autres de le lire. Un libraire m'a même dit : "C'est un livre qui aime les lecteurs" et ça m'a beaucoup touché, bien sûr. Alors, je crois sincèrement que c'est un bon livre. Mais tout cela reste très subjectif. 

Même si c'est un bon bouquin, je sais que ça ne suffit pas ; il y a de très bons livres qui ne se vendent pas ; de mauvais livres qui se vendent beaucoup. Objectivement, je pense avoir bénéficié d'un ensemble de circonstances favorables : la sortie du livre en janvier lui a permis de trouver un premier public sans être noyé ; le Livre Inter décerné en mai par un jury présidé par Daniel Pennac lui a valu de devenir un "livre de l'été" : en septembre, quand des lecteurs venaient me faire signer leur exemplaire, beaucoup avaient encore du sable entre les pages... Les libraires et le bouche-à-oreille ont fait le reste. En dehors de la presse écrite, les médias ont eu peu d'influence, je crois. Je suis allé "causer dans le poste" à France Inter et sur beaucoup de radios grandes et petites, et dans quelques journaux télévisés régionaux, mais je n'ai pas été invité par des émissions littéraires. (Anecdote amusante : en septembre 1998, alors que les ventes de La Maladie... avaient atteint 275 000 exemplaires en trois mois, Bernard Pivot a consacré l'un des premiers numéros de rentrée de Bouillon de Culture à des écrivains-médecins, mais je ne faisais pas partie du lot. Il a quand même montré le livre à la fin de l'émission. Quand même.) 

Mais je vous dis ça aujourd'hui avec le recul et la tête froide. A l'époque, quand un journaliste me demandait d’expliquer le succès de La Maladie..., je prenais un air très perplexe et je répondais « C’est pt'ête une maladie contagieuse... » 

Quel est le rôle de l’éditeur dans le succès d’un livre ? Quel a été, à votre avis, le rôle de P.O.L dans le succès de celui-ci ? Et le vôtre ?

L’éditeur a un rôle essentiel : il soutient l'auteur, il accueille le livre, il investit financièrement dans sa publication, et il le défend. Ça n’est jamais facile, surtout lorsque, comme c’est le cas de P.O.L, tout le travail éditorial, commercial et relationnel qui consiste à mettre en forme, à présenter et à faire connaître des livres qu’ils publient est fait par cinq personnes. On doit choisir soigneusement à qui on envoie tel ou tel livre, à qui on en parle, et ce n’est jamais gagné. On publie des centaines de livres chaque année, et chaque année a son lot de « phénomènes littéraires », de « scandales », de « succès annoncés » pas toujours garantis - et de surprises réelles. 

Une fois que le bouquin est écrit, l’auteur ne peut contribuer que de deux manières : en faisant confiance à ceux dont c’est le métier de faire connaître son livre et en se tenant à leur disposition pour en parler à qui s'y intéresse. L'édition est un métier plus difficile que l'écriture. Il y a de très grosses maisons qui sont des rouleaux-compresseurs, mais il y a aussi beaucoup de petites maisons, qui doivent se battre sans arrêt ; j'ai la chance que "ma" maison d'édition soit petite Quand on publie dans une petite maison, on sait que l'éditeur est le premier à vouloir qu’on parle d'un livre. 

Chez P.O.L, c'est simple, tout le monde se connaît, parfois depuis très longtemps (en 1998, ça faisait déjà dix ans que je faisais partie du catalogue) et chaque auteur est tenu au courant au jour le jour de ce qui arrive à son livre. C’est possible parce que la politique éditoriale, qui n'a pas dévié depuis trente ans, consiste à publier un nombre limité de livres chaque année, afin de pouvoir tous les défendre. Et cela inclut de soutenir un auteur pendant longtemps, car certains ne trouvent leur public qu’au bout de nombreuses années - j'en suis un exemple représentatif. Alors la fidélité compte beaucoup, dans les deux sens. 

On m’a souvent demandé, par exemple, pourquoi je n’étais pas allé proposer le manuscrit des Cahiers Marcoeur, que P.O.L avait refusé après La Vacation, à d’autres maisons. J’ai répondu que ça ne m’est tout simplement pas venu à l’esprit. J'étais un auteur débutant, lui un éditeur chevronné. Il me semblait évident qu’il connaissait son métier mieux que je ne connaissais alors le mien. Bien sûr, ça m’a fait mal au coeur d’admettre que mon bouquin était raté, mais je lui ai fait confiance, je me suis relevé et je suis allé de l’avant. Et il m'a fait confiance pendant les dix ans qui ont suivi. On peut dire que notre confiance mutuelle nous a réussi, à moi comme à lui. Et vingt-cinq ans plus tard, je peux dire que n’ai jamais regretté d’avoir écouté ses conseils. 

Mais c’est aussi une question d'état d'esprit, de personnalité : quand un auteur a des relations directes, personnelles, avec un éditeur, il sait si l’éditeur le respecte ou non. C’est aussi pour cela qu’il est préférable, lorsque c’est possible, de publier dans une maison de petite taille, ou dans une collection dirigée par une seule et même personne. Car sinon, le livre risque d’être complètement noyé dans la masse des sorties annuelles. Quand je lui ai donné La Maladie… Paul a choisi de le publier en janvier 98 et non en septembre 97. Il a préféré éviter la « rentrée » littéraire. Manifestement, c’était une sage décision. 

Je lui ai souvent dit, en plaisantant à moitié, qu'il fait de l'édition comme Bruno Sachs fait de la médecine générale : il connaît son métier mais ne s'impose jamais, car il respecte ses interlocuteurs ; il tient toujours compte de la sensibilité de l'auteur et passe le temps qu'il faut pour parler avec lui de son livre et de la manière dont il va le défendre, en toute sincérité. Il ne m'a jamais "pressé" de renouveler le succès de La Maladie... et il ne m'a pas caché, par exemple, avant même leur publication, que des livres comme Légendes et Plumes d'Ange auraient un public beaucoup plus réduit. 

Est-ce que c’était important pour vous de recevoir le prix du Livre Inter ?

Oui, très important. France Inter était « ma » radio. Le Livre Inter était « mon » prix de lecteur bien avant que je sois publié, j’avais écrit plusieurs fois pour faire partie du jury. Le jour où on a annoncé les résultats à l’antenne, j’étais très heureux : en tant que lauréat, j'allais faire de droit partie du jury l’année suivante. J’ai dit « Bon, il m’a fallu écrire une lettre de candidature de cinq cents pages, mais ça y est, je vais être juré du Livre Inter ! » 

J’estime ce prix plus que tout autre en France parce qu’il est remis par un jury qui change chaque année, et dont l’indépendance est absolue. Chaque groupe de jurés, j’en ai entendu de nombreux échos, est farouchement attaché à cette liberté. Certes, l'écrivain qui est président du jury dispose d’un vote double, mais ça n’est déterminant que s’il y a deux livres au coude-à-coude, ce qui est apparemment rarement le cas. En 1998, Daniel Pennac avait accepté de présider en précisant qu'il ne participerait pas aux débats et ne voterait pas : il voulait que ce soit un prix remis par des lecteurs, exclusivement. Savoir ça, c’est pour moi aujourd’hui encore une source de fierté inestimable. 

La présidence de Pennac a elle aussi très certainement été déterminante dans le bon accueil qu'on a fait au livre. Pennac s’était interdit d'intervenir dans les débats, mais après la proclamation
du prix, il n’a pas tari d’éloges sur mon roman, et je pense que ça aussi a beaucoup compté dans le succès qui a suivi, car c’est un homme très respecté, très aimé. Comme j'étais et suis toujours un de ses lecteurs, évidemment, je n’en suis que plus honoré et heureux. Et j’ai reçu de la part des membres du jury un soutien assez extraordinaire, non seulement le soir de la remise du prix, mais aussi pendant les années qui ont suivi : beaucoup ont continué à correspondre avec moi, voire à venir à des rencontres, c’était précieux. 

Qu’est-ce que le succès a changé pour vous ?

Dans un premier temps, ça m’a permis de me détendre. Quand j’ai reçu le Livre Inter, ma compagne et moi vivions au jour le jour, on n'avait pas un sou de côté. On avait une bonne vie, on était heureux, mais on travaillait beaucoup tous les deux, on avait beaucoup d’enfants à la maison, on n'était pas à l'abri d'un coup dur, personne ne l'est. Et puis, du jour au lendemain, on a su qu’on pourrait rembourser nos emprunts et payer la maison, qu'on n'avait plus à se faire du souci pour ça. C’était comme gagner au loto sans avoir joué, avec en plus la gratification extraordinaire de voir cinq ans de travail récompensés et d’apporter du plaisir à beaucoup de gens. 

Je crois que je n’ai jamais été aussi fier que lorsque notre voisine, qui était une dame assez âgée, m’a apporté son livre à signer et quand notre facteur, après m’avoir remis mon courrier, a sorti son propre exemplaire de sa sacoche. J’étais fier parce qu’ils avaient aimé mon livre, et aussi surtout parce qu’ils n’avaient pas hésité à venir me voir, tout simplement. Ça a certainement changé mon statut social, mais ça m’a rapproché de beaucoup de gens. On aimait déjà beaucoup les repas de famille élargis, avec nos amis et leurs enfants, on en a fait encore plus. Un de nos amis les plus proches, apprenant que j’étais sélectionné pour le Livre Inter, m’a dit : « Si tu l’as, tu nous emmène déjeuner dans tel grand restaurant à Tours. » J'ai dit : "Bien sûr" en me disant que même si je n'avais pas le prix, c'était une super idée, et qu'on le ferait. Quand on y est allé, quelques mois après le Livre Inter, on était une vingtaine et c’est un souvenir mémorable. 

Quand il a vu les ventes monter en flèche, Daniel Zimmermann m’a dit : « Si tu atteins cent mille exemplaires, tu envoie une caisse de champagne à tes parrain et marraine. » Ce n'était pas une question. Et là encore je me suis dit : "Bon, on n'arrivera pas à cent mille, mais je lui enverrai une caisse quand même." Finalement, je leur en ai envoyé trois. Et je les ai invités, Claude Pujade-Renaud et lui, à déjeuner à la Closerie des Lilas, où ils n'avaient jamais mis les pieds. 

Je pourrais multiplier les exemples symboliques de ce genre et bien sûr, ça a eu un impact considérable sur notre vie familiale et sur les plaisirs qu’on a pu partager avec nos amis. Il faut dire que c'était vraiment un bonheur partagé : pendant tout l'été qui a suivi, nos copains nous appelaient de telle ou telle ville de bord de mer en disant "Tu sais, à Flots-les-Bains, y'a un marchand de journaux, il a trois bouquins en devanture, et La Maladie...en pile !" Nos amis étaient si heureux qu'ils avaient le sentiment que ce qui m'arrivait, ça leur arrivait à eux. C'était merveilleux. Et c'était vrai. C'est certainement ça qui m'a le plus stupéfait : j'avais écrit un roman grave, parfois sombre, et les gens venaient me voir en me disant qu'ils étaient heureux de l'avoir lu. C'est ça qui me rendait le plus fier : le bonheur qu'exprimaient les lecteurs. 

Une autre chose que ça a changé, et dont j’ai été très fier, aussi, c'est que j'ai pu assumer haut et fort mes goûts de spectateur. En mai 1998, sur France Inter, juste après avoir demandé à Daniel Pennac d’annoncer le nom du roman primé, Gérard Courchelles m’a donné la parole comme à chaque lauréat ; mais à la fin de l’entretien, il a terminé en disant : « Vous êtes médecin, et je crois que vous aimez beaucoup Urgences. » Il me disait ça avec curiosité et pour me taquiner un peu, je crois, mais j’ai pris sa question très au sérieux, et j’ai répondu que Urgences était une immense série et qu’elle devrait faire partie de la formation des étudiants en médecine français, comme c’était le cas aux Etats-Unis. 

A l’époque, ce genre de déclaration n’était pas du tout pris au sérieux, les amateurs de séries télé étaient au mieux ignorés, au pire méprisés ou vilipendés par les médias institutionnels, à commencer par Le Monde et Télérama, les enseignants trouvaient les séries débilitantes pour les élèves, car la télévision - et tout particulièrement la production américaine - était considérée comme le grand Satan de la culture. Alors ma déclaration d’amour pour Urgences et pour le genre n’est pas tombée dans l’oreille d’un sourd : pendant les mois qui ont suivi, chaque fois que je signais dans une librairie ou une médiathèque, j'ai vu des lecteurs arriver et me tendre, avec leur exemplaire de La Maladie… un des livres des éditions Huitième Art ou un exemplaire du magazine Génération Séries auquel je collaborais depuis plusieurs années. Ils me disaient combien ils avaient été heureux de m’entendre défendre les séries, de dire clairement que c’était un genre non seulement respectable mais extrêmement riche et qui produisait d’authentiques chefs-d’œuvre. Qu’un auteur élu par des lecteurs – par leurs pairs – l’exprime haut et fort, c’était très gratifiant pour eux. Et les entendre dire ça, c'était très gratifiant pour moi, évidemment.

A l'heure où j'écris ceci, La Maladie de Sachs a vingt et un ans. Et, depuis le 17 février 2014, c'est devenu aussi un feuilleton radiophonique sur France Culture. Le livre est paru en 1998 mais les premiers textes que j'ai écrits datent de 1993. Vingt ans plus tard, je peux dire que l'écriture de ce livre a été à l'origine de nombreux changements dans ma vie... 

Et qu'est-ce que le succès a changé pour votre écriture ?


(A suivre)  

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(1) Edition originale P.O.L : 320.000 exemplaires. En poche et clubs : plus de 250 000. Quatorze traductions. Plusieurs adaptations théâtrales, par des troupes d'amateurs et de professionnels. Un film. Une adaptation radio à venir sur France Culture... Il ne manque plus que la BD, le jeu vidéo et la comédie musicale sur Broadway. Je tiens beaucoup à la comédie musicale. Elle pourrait ressembler à ça, par exemple... 

mardi 21 janvier 2014

Le métier d'écrivant (12) - Du premier au deuxième roman



Entre La Vacation (1989) et La Maladie de Sachs (1998), vous n’avez pas publié de roman (en dehors de L’Affaire Grimaudi, qui était un texte collectif). Pourquoi ce délai ?

Pour plusieurs raisons, personnelles et professionnelles. Quelques années après la publication de La Vacation, j’ai divorcé, je me suis remarié, ma compagne et moi avons eu de nouveau des enfants – j’en avais déjà trois de mon premier mariage, elle en avait deux du sien. En 1990, j’ai terminé Les Cahiers Marcoeur, le roman commencé avant La Vacation, mais Paul Otchakovsky-Laurens l'a refusé. Il l’a fait avec délicatesse, en m'expliquant pourquoi, et en faisant tout son possible pour que je ne me sente pas découragé. Et j'avais des raisons de l'être : c'était un roman du grand Tout, un roman-deuil, un énorme livre sur lequel je bossais depuis presque dix ans. Je sais qu'il a bien fait de le refuser, car ce livre n'était pas achevé. Plus tard, j’ai compris qu’il s’agissait d'un cathédrale en allumettes. Impressionnante à première vue, mais creuse, car je n'abordais pas de front les sujets sur lesquels j'avais vraiment quelque chose à dire. Ça a été un coup dur, parce je ne voulais pas m’enfermer dans un genre et être l’écrivain-médecin-de-la-fin-de-siècle. Paul m’a fait très justement remarquer qu’on ne parle bien que de ce qu’on connaît le mieux. Sur le moment, je n’ai pas voulu l’entendre, mais je sentais confusément qu’il avait raison. 



En 1993, j’ai quitté mon cabinet médical parce que je ne m’entendais pas très bien avec mon associée, et on ne peut pas travailler correctement dans ces conditions. Comme le contrat de cession à mon successeur stipulait que je ne pouvais pas m’installer pendant cinq ans dans le même secteur, je me suis dit que j’allais patienter et faire autre chose entretemps. Je travaillais toujours à l’hôpital mais les vacations n’étaient pas très bien payées, alors  je me suis mis à traduire en free-lance. J’ai envoyé des CV à droite et à gauche, et très vite je me suis trouvé beaucoup de travail : des revues médicales qui publiaient des articles de revues anglo-saxonnes, des éditeurs de manuels de médecine. Mes traductions étaient exactes et correctement écrites, je les rendais aux dates demandées alors on m'en redonnait. Parfois, on me demandait de corriger d'autres "traducteurs". J’ai appris ainsi que beaucoup de traductions médicales étaient confiées à (ou "kidnappées par") des praticiens hospitaliers qui dictaient leurs versions à leur secrétaire mais ne les relisaient pas. Les résultats étaient parfois catastrophiques. Alors, malgré ma relative inexpérience dans le domaine de la traduction, je n’avais pas beaucoup de mal à faire mieux. Avec le temps - et les conseils de traducteurs professionnels, c'est une corporation qui s'entraide beaucoup - j'ai pris de la bouteille. 

J’ai fait aussi des traductions littéraires pour P.O.L. Pendant cinq ans, j’ai gagné ma vie comme ça, en travaillant chez moi – ce qui était appréciable, compte tenu du fait qu'il y avait beaucoup d’enfants à la maison - ma femme et moi en avions cinq de nos mariages antérieurs et nous avons eu des jumeaux ! Tous les contrats de traduction venaient de Paris. Comme je vivais en province, je me suis équipé ; j’avais déjà un ordinateur, j’ai acheté un fax, et je me suis abonné à un fournisseur d’accès internet, Compuserve, dès 1995. Ca ne m'a pas aidé à rendre mes traductions au dernier moment (mes clients n'avaient pas l'internet...) mais ça m'a beaucoup aidé à me documenter : il suffisait d'envoyer un message à une "mailing list" (les forums de l'époque) abordant un sujet donné pour recevoir de nombreuses informations en réponse, des références d'articles, etc. Les services de l'époque paraîtraient rudimentaires aujourd'hui (très peu d'images, qu'il fallait beaucoup de temps pour faire apparaître, et une navigation limitée aux confins du fournisseur d'accès) mais c'était déjà une liberté formidable de pouvoir entrer en contact avec des inconnus tout prêts à partager ce qu'ils savaient. C'était merveilleux, ça m'a beaucoup aidé moralement. 


Ça n’était pas frustrant, de ne pas publier de fiction ?

Ça l’était certainement, par moments mais j’avais une vie personnelle et familiale très occupée, alors je ne me rappelle pas que ça ait été vraiment difficile. Quand on a une vie bien pleine, l’écriture passe parfois au second plan. Et puis, il fallait que je gagne ma vie. Traduire était un boulot merveilleux : je le faisais chez moi, j’étais libre de m’organiser comme je voulais, ça simplifiait beaucoup la vie de famille. Je ne traduisais pas seulement des livres de médecine, mais des bandes dessinées, des romans policiers, de la Fantasy. Bien sûr, je travaillais beaucoup, mais en tant que traducteur spécialisé, je travaillais plus vite et j'étais mieux rémunéré que les traducteurs littéraires, certainement. J'ai aussi continué à faire du journalisme, en particulier dans la première version, mensuelle, de Que Choisir Santé, qui a duré deux ou trois ans, mais a été une belle expérience.  

Entre 89 et 98, j’ai publié des manuels de vulgarisation médicale, écrit ou collaboré à plusieurs ouvrages sur les séries télévisées aux éditions Huitième Art (j'en reparlerai plus tard) et traduit deux romans de Patrick Macnee, donné trois traductions pour P.O.L. et participé à un roman collectif – ce qui fait qu'en tout, j'ai travaillé à une dizaine de bouquins. J’ai aussi traduit des revues médicales et créé la première page « séries » dans un hebdomadaire de télévision français, à Télécâble Satellite Hebdo. Tout ça, c’était de l’écriture, j'apprenais mon métier d'écrivant. De manière moins visible que lorsqu’on publie des romans, mais pas moins réelle. Je n’ai jamais eu le sentiment de rester inactif. 

Quand j'avais un peu de temps devant moi - ou quand le désir se faisait plus pressant que les boulots alimentaires - j’écrivais un chapitre de La Relation, un roman qui reprenait le personnage de Bruno Sachs, déjà présent dans La Vacation et Les Cahiers Marcoeur, et je décrivais sa vie dans un cabinet de médecine générale qui ressemblait beaucoup au mien par sa topographie et celle du canton environnant. J'ai jeté les premiers textes sur le papier en 1992, je me suis mis à l’écrire de manière plus régulière, quoique relativement intermittente à partir de 1993-1994, juste après avoir quitté mon cabinet médical. En 1997, quand je l’ai terminé, je l’ai envoyé à Paul, qui l’a accepté. Le titre de travail, La relation, était déjà pris, on en a cherché un autre, c’est devenu La Maladie de Sachs et il l’a publié en janvier 1998.

Neuf ans, c’est long. Votre éditeur ne s’impatientait pas ?

Paul ne m'a jamais "pressé" de lui remettre un livre. Il comprenait que le roman sur lequel je travaillais prenait du temps et il avait confiance en moi, car il m’a confié trois traductions – un roman de David Markson, La Maîtresse de Wittgenstein et deux livres de Harry Mathews, Cuisine de pays et Le Journaliste. C’était une grande marque de confiance littéraire. Quand La Maladie… a rencontré un succès phénoménal il m'a dit « Surtout, ne vous sentez pas obligé d'écrire "Sachs, le retour", sous prétexte qu'on attend ça de vous. Ecrivez ce que vous voulez écrire. » Beaucoup d’autres éditeurs auraient été pressés de me voir remettre le couvert. J'ai compris ça en 1999 ou 2000 quand je suis retourné au Festival du Premier roman de Chambéry en tant que parrain. Plusieurs jeunes écrivants présents, qui avaient été mis en valeur par les émissions littéraires de la rentrée précédente, m'ont demandé "Comment as-tu fait pour attendre tant d'années avant de publier un deuxième roman ?" Après leur premier roman, ceux qui avaient eu un certain succès s'étaient vus pressés par leur éditeur de pondre un deuxième livre pour rester présent dans les médias, pour que les lecteurs ne les oublient pas. Ils étaient stupéfaits que j'aie "résisté" à ça. Ils avaient le sentiment que j'avais attendu, mûri mon livre, avant de le publier. Et, comme ce livre était un best-seller, ils y voyaient une sorte de relation de cause à effet. Ca m'a fait rire. Je leur ai répondu que j'avais pris le temps parce que j'avais autre chose à faire... et que je n'imaginais pas du tout que mon deuxième roman aurait un succès pareil. Après m'être pendant plusieurs années résigné à rester l'homme d'un seul roman, j'étais vraiment heureux d'en publier un deuxième ! 


Est-ce que vos activités de traducteur ont eu un impact sur votre écriture ?

Certainement. Traduire est une activité qui exige qu’on explore des facettes de sa langue qu’on ne connaît pas. Et j’ai traduit toutes sortes de textes : du bulletin des médicaments essentiels de l'OMS aux textes de littérature expérimentale. On apprend beaucoup en traduisant des textes aussi différents. On apprend à écrire. En tout cas, je l’ai perçu ainsi. Et j’ai reçu une grande leçon en traduisant Le Journaliste de Harry Mathews. Ma première traduction était trop littérale, trop scolaire. Harry m’a dit qu’il fallait que je me laisse aller, que je cesse de me brider. Et tout récemment, j’ai entendu des traducteurs professionnels dire que c’est une des choses les plus difficiles : ils ont aussi souvent tendance à se retenir, de peur de trahir l’auteur en prenant trop de liberté. C’est un risque, évidemment, mais on risque aussi d'étouffer la vivacité du livre en étant trop respectueux. Traduire est donc toujours une entreprise qu’on fait sur un fil, et c’est une grande école d’écriture, qui nécessite à la fois de l’humilité, de l’imagination et beaucoup de travail. Ca a nécessairement influencé l'écriture de mes livres, même s'il m'est difficile de dire comment. Les traducteurs disent qu'écrire, c'est traduire - des pensées en mots. Et j'aime cette image : quand on écrit, on "traduit" un énoncé et des représentations intérieurs en un texte accessible aux autres. 


Qu’est-ce qui vous a donné l’idée de La Maladie de Sachs ?

Le projet d’un roman centré sur un médecin généraliste me trottait dans la tête depuis longtemps. Quand j’étais enfant, j’accompagnais mon père quand il partait faire sa tournée de visites à domicile. Je restais dans la voiture et, quand il sortait de chez un patient, il éprouvait le besoin de parler ; il ne me parlait jamais des patients qu’il venait de voir, il me racontait des souvenirs de sa jeunesse, ou de sa pratique en Algérie. Plus tard, à l’hôpital bien sûr, mais aussi lors de mes remplacements, j’ai assisté à des situations très romanesques, j'ai croisé des personnes étonnantes, vécu ou entendu des histoires bouleversantes. Dans mon premier roman inédit, Les Cahiers Marcoeur, il y a deux médecins généralistes. L’un, Bruno Sachs, tombe amoureux d’une patiente. L’autre, Emmanuel Zacks, est un père de famille qui décide de prendre un congé sabbatique pour écrire un roman et n’y parvient pas. Les Cahiers…  ne fonctionnait pas, mais certaines idées ont continué à me travailler. Et j’avais transposé certaines expériences dans mes chroniques à Prescrire, j’avais continué à le faire dans mon journal. 

Quand j’ai décidé de quitter mon cabinet médical, ça m’a fait quand même un peu mal au cœur : j'avais créé ce cabinet, j'y étais resté dix ans, je me sentais chez moi parmi les habitants du canton. Alors, je me suis mis en tête d’écrire un roman dans lequel je décrirais la pratique d’un généraliste au jour le jour. Et je l’ai construit autour de mes anciens horaires de consultation et de visite, en faisant en sorte que le dimanche soit au centre du roman : en pratique rurale, même si on est très organisé, les imprévus sont légion ; mais le dimanche, quand on est de garde, tout est imprévu – car on n’est pas de garde seulement pour ses patients, mais aussi pour tous les médecins du canton. Cela étant, mes objectifs narratifs pour ce roman étaient très simples : je voulais décrire la vie matérielle et morale d’un médecin généraliste, et dire qu’un médecin est une personne comme les autres. Et son itinéraire - il est d'abord seul, puis tombe amoureux d'une patiente, puis s'ouvre au monde et sort de son isolement grâce à elle et à ce qu'il écrit - m'est venu progressivement, au fil du récit. C'est pour ça qu'il reste en filigrane : les histoires importantes, c'étaient celles des patients. 

Comment vous est venue l’idée de faire raconter le roman par les patients, et non par Bruno Sachs ?

Par élimination, de manière très intuitive. J’ai écarté tout de suite le récit à la première personne, parce que ça ne me paraissait pas approprié : le sujet du roman, ça n'était pas lui ; et puis je ne me sentais pas autorisé à écrire à la première personne, je ne sais pas pourquoi exactement. Il m’a fallu attendre Le Chœur des femmes pour qu’un de mes personnages principaux dise « je » tout au long d’un livre ou presque, et En souvenir d’André pour que ce soit un homme. J’ai aussi écarté le « Il » de l’écrivain démiurge, qui me semblait artificiel et étranger à ce que je voulais dire. Je voulais rester immergé dans les histoires, je n’aurais pas pu le faire de la même manière à la troisième personne. 

Mais je ne voyais pas comment faire, jusqu’à ce que je me rappelle une réflexion que je m’étais faite au cours d’un remplacement. Le médecin que je remplaçais m’avait laissé sa voiture, qui avait un radio-téléphone. Un jour, en regagnant son cabinet médical en voiture, j’ai vu un homme me faire bonjour de la main. Il était vraiment loin, et je ne le connaissais pas, je me suis rendu compte qu’il faisait signe à la voiture - donc, à son médecin. Et je me suis dit : « A quoi les gens pensent-ils quand ils voient passer leur médecin ? » C'est ce souvenir qui m'a amené à reformuler la question du narrateur. Je me suis dit : «  Finalement, qui raconte ? » et la réponse est venue immédiatement : « Tout le monde ! ». Et en pensant à ça, j’ai éclaté de rire parce que c’était inattendu et excitant : faire parler chaque patient, adopter un point de vue différent à chaque chapitre, c’était un défi, un exercice, une contrainte, un jeu. De plus, ça me permettait d'écrire une histoire courte - comme une nouvelle - à chaque chapitre. J’ai toujours peur de m’ennuyer et d’ennuyer les autres, et cette approche me rassurait. Cela dit, ça n'était pas original : j’avais vu de grands auteurs de science-fiction le faire – je pense en particulier à John Brunner, dans Tous à Zanzibar (Stand on Zanzibar, 1968) et Sur l’onde de choc (The Shockwave Rider, 1975), ou Robert Heinlein dans Stranger in a Strange Land (En terre étrangère, 1961) et Time Enough for Love (1973). Et ils avaient probablement lu la Trilogie USA de John Dos Passos, qui l'avait déjà fait dans les années 30. Mais c’était la forme qui convenait pour ce que je voulais faire. 

Je crois que ce qu’il y avait d’original, c’était que mes modèles utilisaient une construction polyphonique pour décrire des sociétés, tandis que ma construction avait pour but de décrire des mondes intérieurs. En écrivant le roman, je me suis rendu compte que donner la parole aux patients permettait de mettre en place une constellation de récits autobiographiques : chaque fois qu'ils s'adressent à Bruno (oralement ou par la pensée), les patients racontent leur propre histoire, de manière très intime… Du coup, ce n’est pas seulement l’histoire-de-Bruno-Sachs-racontée-par-ses-patients, c’est l’autobiographie individuelle et collective d’une petite communauté. Pour être tout-à-fait franc, je peux dire ça aujourd'hui, mais je ne m’en suis rendu compte que lorsque les lecteurs m’en ont parlé. Il faut dire que je composais le livre un chapitre après l’autre, comme le tisserand qui passe sa navette dans la trame, un rang après l’autre, sans savoir exactement de quoi ça aura l’air une fois terminé. Parfois, je m'arrêtais pendant de longues semaines, et il fallait que je relise tout pour me rappeler ce que j'avais écrit avant ! A la fin, j'ai beaucoup travaillié pour m'assurer que chaque fil était bien à sa place, que ça tenait debout. Mais le "puzzle reconstitué", la tapisserie achevée, ce sont les lecteurs qui me l’ont fait voir. Quand j’avais le nez dessus, je ne voyais pas l'ensemble. Pour moi, c'était simplement la chronique d'un petit bourg. Mon village à l'heure de la tournée du médecin, en quelque sorte... 

Pourquoi les patients disent-ils « Tu » quand ils "parlent" intérieurement à Bruno Sachs ?

Pour deux raisons : le « Tu » indique leur familiarité avec lui, leur sentiment de bien le connaître, aussi bien qu’il les connaît. Le « Il » - que j’emploie pour un petit nombre patients-narrateurs - est plus détaché. L'autre raison de choisir « Tu » plutôt que « Vous » est mon désir de signifier que ce sont ses égaux, et non des personnes qui le regardent avec déférence. Ils sont d'ailleurs tantôt complices, tantôt protecteurs, tantôt condescendants comme trop de médecins le sont avec les patients. C’est un juste retour des choses.

La plupart des personnages de La Maladie de Sachs ont des noms d’écrivains. Pourquoi ? 


Ça aussi, c’est venu de manière intuitive. Au début, après avoir écrit quelques chapitres, j’avais déjà nommé deux personnages-clé du roman : Madame Leblanc, la secrétaire de Bruno, et Madame Renard, l’une de ses patientes les plus assidues. Le nom de la première renvoyait à son caractère protecteur via Maurice Leblanc – à l’adolescence, Les aventures d’Arsène Lupin avaient veillé sur moi ; le nom de la seconde renvoyait à Jules Renard et à sa description très noire de l’humanité. Pour ces deux-là, je n’avais pas eu de mal à choisir un patronyme. Mais à mesure que j’écrivais le roman, les personnages s'alignaient les uns après les autres, j’avais de plus en plus de mal à leur choisir des noms. Je voulais que chaque nom ait un sens, une tonalité particulière. Et puis je me suis dit : « Leblanc, Renard, ce sont des noms d’écrivains. Dans ce roman, tout le monde raconte une histoire. Ils porteront tous des noms d’écrivains. » C’est devenu un jeu, j’ai pu faire des clins d’œil et des allusions, rendre des hommages : chaque nom avait un sens. Ainsi, j’ai transformé Perec en Perrec’h, parce que beaucoup de gens pensent que c’est un nom breton et parce que « Perec » attire plus l’attention que « Renard ». Je ne voulais pas dévoiler le procédé trop vite, – j'avais envie que ça se fasse par sédimentation, que les lecteurs, en additionnant Darrieussecq et Perrec'h et Matiouze et Vian et Calvino, finissent par s'exclamer comme le commissaire Bourrel...



(A suivre)