Rubriques

mercredi 10 août 2011

Le livre de mon enfance, par Sam (Ex. n°18)



Blake et Mortimer, mes héros



Lorsque j’étais enfant, chaque semaine, mon père avait coutume de revenir des courses au supermarché avec une bande dessinée. Il aimait la bande dessinée. Mais je pense qu’il aimait par dessus tout l’idée que cette littérature populaire offrait, par ses histoires, ses héros, ses graphismes, un divertissement de qualité tant aux adultes qu’aux enfants. Aussi, par cette pratique, il savait qu’il assurait à ses enfants non seulement un plaisir immense, mais encore une culture solide. J’ai donc eu la chance de suivre les aventures de Tintin, Alix, Lefranc, Tif et Tondu, la Patrouille des Castors, Ric Hochet, Astérix, Lucky Luke… C’est dans ces séries que je trouve mes plaisirs enfantins de la lecture. Mais mon bonheur de lecture le plus grand, c’est Blake, Mortimer et Olrik qui me l’ont donné. Cette série est pour moi fondatrice, dans le sens où elle a forgé une partie de mon univers mental enfantin et, par force, adulte. Il faut se plonger dans ces albums au graphisme somptueux pour comprendre la richesse souterraine de cette œuvre.

E.P. Jacobs est un sorcier. C’est ainsi que je m’imaginais l’auteur de ces merveilles. La quatrième de couverture, d’un blanc austère barré d’une ligne orange, le montre en photo noir et blanc, l’air sévère, revêche, quasiment patibulaire, scrutant le lecteur les lunettes d’écaille à la main, avec une tenue vestimentaire intrigante pour un auteur de BD : nœud papillon noir, chemise blanche, boutons de manchette et veste pied-de-poule. Jacobs était pour moi un mystère. Comment ce vieux bonhomme si peu jovial pouvait-il créer des aventures aussi trépidantes, des atmosphères aussi étranges, des personnages aussi purs, des sentiments aussi nobles, des images aussi belles ? Aujourd’hui, je sais que Jacobs n’était pas un sorcier ; c’était un génie.

Jacobs a exploré tous les genres de l’aventure : la guerre (Le secret de l’Espadon), l’énigme policière (L’affaire du collier), le fantastique (Le mystère de la grande pyramide, La marque jaune, SOS Météores, Les 3 formules du professeur Sato) parfois mâtiné de science fiction (L’énigme de l’Atlantide, Le piège diabolique). Jacobs est sans concession : Blake et Mortimer, c’est la lutte du Bien contre le Mal, ou plus précisément de l’Humanité contre la Sauvagerie. Les sentiments sont exacerbés : d’un côté l’Amitié, le Courage, l’Héroïsme, le Sacrifice, la Fidélité, la Loyauté ; de l’autre le Haine, la Trahison, la Cruauté, la Déloyauté, l’Egoïsme. Mais si Blake (le fin capitaine anglais ou gallois blond) et Mortimer (le scientifique écossais massif et roux) sont des héros pleinement positifs, je ne suis jamais parvenu à voir dans l’ombrageux Olrik un méchant négatif. Il est beau, flegmatique, fair-play, courageux, acrobatique, intelligent… Olrik, c’est Méphisto ; son charme opère sur le lecteur comme sur ses complices. Mais où est l’Amour ? Blake et Mortimer, c’est un monde d’hommes, qui s’adresse résolument aux garçons. Pas de filles, pas de sentimentalisme. Jacobs raconte pourtant les épisodes d’une histoire d’Amour : l’Amitié entre deux hommes qui combattent le Mal.

Sam