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mercredi 17 novembre 2010

"Comment écrivez vous ? "- Des questions en vrac (Ficelles et chapeaux-claques, 7)


·       Connaissez-vous vos personnages ? Je veux dire, est-ce que vous vous inspirez toujours de personnes que vous connaissez ou bien les créez-vous de toutes pieces ? Physiquement les visualisez- vous ?


Ca dépend. Je ne suis pas très bon pour décrire (les gens ou les choses) alors j’ai besoin de modèles. Donc, je m’inspire souvent de personnes que je connais, mais ça ne se voit pas nécessairement, car je ne les décris pas (ou alors, très vaguement). Mais j’ai leur visage en tête, et c’est ça qui m’aide à écrire. Cela dit, une fois qu’ils sont « mis en scène », ils cessent d’être les sosies des personnes vivantes. D’ailleurs, d’un point de vue général, je n’aime pas l’idée que mes amis se « reconnaissent » (à tort) dans mes personnages. Alors de deux choses l’une : ou bien ils sont une caricature (comme le redoutable Maire Esterhazy, petit homme caractériel et mégalomane dans la Trilogie Twain) et tout le monde peut voir de qui il s’agit ; ou bien ce sont des personnages composites et les reconnaissances sont souvent trompeuses. Par exemple, on pense que Bruno Sachs ou Franz Karma, c’est moi, mais je les ai imaginés avec le visage d’un de mes amis de fac, Olivier M. pour l’un, et le visage de mon père pour l’autre. Donc, quand je les écris, je ne pense pas du tout à moi. Ce que j’aime faire aussi, c’est suggérer que mes personnages ressemblent à des comédiens que j’aime bien. Ainsi, Aline, la secrétaire de l’Unité 77 dans le Chœur des femmes  ressemble à  Abby Sciutto, la « lab tech » de la série NCIS. Avec dix ans de plus…
Ensuite, s’il s’agit de dire que je les « connais », non, pas vraiment. Ils ont toujours quelque chose à m’apprendre. Dans mon esprit, mes personnages se définissent par leur comportement, et non par une sorte de contenu psychologique que j’aurais prédéfini.



·       Choisissez-vous d’écrire sur un thème en particulier ou les thèmes que vous abordez s’imposent-ils comme des evidences ?

Je n’écris jamais « par thèmes ». Je ne connais le thème de mes romans qu’une fois qu’ils sont publiés et qu’on (les lecteurs, parfois quelques critiques) en parle. De toute manière, je pense que j’ai des thèmes généraux récurrents : les abus de pouvoirs liés à la médecine, les relations amoureuses et familiales, le partage du savoir… Donc, les thèmes, ils sortent toujours. Quand je me mets à écrire, c’est parce que j’ai une histoire à raconter (d’abord) puis une forme pour la raconter (ça peut être assez long à définir). Et là, je me mets au boulot, en sachant à peu près où je vais, mais sans savoir toujours très bien par où je vais passer. Mais une fois que j’ai mon histoire et ma forme, je ne me pose plus de questions, j’avance. En ce moment, je n’avance pas sur mon prochain roman, parce que je ne sais pas exactement quelle histoire je vais raconter ni sous quelle forme. Jusqu’ici j’avais des histoires simples (et la forme me permettait de les rendre plus complexes, plus étoffées) mais cette fois-ci, j’ai une histoire compliquée, et j’aimerais que la forme soit en accord. Alors, je tâtonne.


·       Comment écrivez-vous ? Le matin ? Le soir ? En silence ? En musique ? Avec le bruit des gens qui passent ?

J’ai toujours écrit empêché, depuis que je suis gamin. Ma chambre était un hall de gare (il y avait trois portes, tout le monde passait par chez moi pour traverser l’étage). Et depuis que je suis adulte, j’ai passé le plus clair de mon temps à travailler sur un bureau installé dans mes chambres successives, parfois (en 1993-94, en particulier) avec des bébés dans un lit juste derrière moi, ou sur les genoux - et c’est parfois acrobatique, vu la propension qu’ils ont à foutre leurs menottes couvertes de beurre et de confiture sur le clavier… Je peux écrire en silence ou en musique (mais pas de la chanson, plutôt un trio de jazz, Bill Evans de préférence). Je peux écrire avec des gens dans la pièce (à condition qu’ils ne m’adressent pas la parole, le fait qu’ils parlent ne me gêne pas). J’écris mieux le soir que le matin, sauf quand je suis dans un roman, alors là j’écris jusqu’à pas d’heure et je me lève dès que je me réveille et je suis capable de m’y remettre. Mais globalement je suis plutôt quelqu’un du soir et de la nuit que du matin.


·       Etiez-vous sur depuis le départ que vous seriez ecrivain ? Ou avez-vous été saisi parfois du doute de ne pas réussir a vous faire publier ?


Je sais que j’ai eu très tôt envie d’écrire des livres et « être écrivain », pour moi, c’était ça : aligner les bouquins. C’est ma rencontre avec les écrivains américains de SF (Asimov, Sturgeon, Sheckley, Bester) qui m’a fait comprendre que c’était un métier et qu’on pouvait gagner sa vie avec. En France, il était plutôt sous-entendu qu’on ne pouvait être écrivain que si on avait d’emblée un talent tellement impressionnant que toute la galaxie allait le savoir. Comme personne ne me disait rien de tel, je pensais que je me faisais des idées.
Avant d’être publié pour la première fois, bien sûr, j’ai douté de la possibilité que ça m’arrive. Après le premier livre, j’ai moins douté, mais je n’ai jamais pensé qu’une publication était assurée ou que mes livres allaient toujours plaire. Le dernier roman que j’ai écrit, Les Invisibles, qui sortira en mai 2011, est différent des précédents. C’est un roman policier, mais la narration est très particulière pour moi : il n’y a qu’un seul narrateur, et c’est un homme. Ça ne m’était pas arrivé. Je me suis demandé si les éditrices qui s’occupent de moi au Fleuve allaient aimer, et si c’était intéressant. Je pensais que non, qu’elles me diraient : « Ca ne nous plaît pas. » Et j’étais étonné qu’elles me disent le contraire. Le doute ne disparaît jamais, je pense, sauf quand on est boursouflé d’une très grande vanité.


·       Ecrivez vous des histoires pour plaire ? – Je veux dire, choisissez-vous les sujets de vos romans en ayant dans la tête son « positionnement marketing » (l’expression n’est pas belle pour parler de livres mais enfin…)

Je mentirais en disant que je n’espère pas que mes livres vont se vendre, bien sûr, mais je n’ai plus de complexe à ce sujet parce que je me souviens qu’on avait posé à Howard Hawks (probablement le cinéaste américain que j’aime le plus) la question de savoir s’il faisait des films artistiques ou commerciaux. Et il avait répondu : « Je serais stupide de faire un film en ne voulant pas que les spectateurs aillent le voir. Mais je pense que quand on fait un bon film avec de bons acteurs et une équipe qui a du talent, ça se voit et ça s’apprécie. » Enfin, à peu près. Je le cite de mémoire et je ne peux pas vous dire où j’ai lu ça. Toujours est-il que Hawks (comme Ford, d’ailleurs) s’était très vite affranchi des studios et produisait ses propres films. Alors bien sûr, il voulait qu’ils aient du succès. Parce qu’il savait que le succès commercial, pour lui, c’était la liberté. Mais s’il était indépendant, c’est précisément parce qu’il voulait tourner les films qu’il voulait tourner, et non être l’exécutant d’un studio qui lui aurait confié seulement les films desquels ils espéraient de grosses recettes.
Donc, en ce qui me concerne, bien sûr, j’espère que mes livres vont être très lus (et donc, se vendre beaucoup). Mais je serais incapable de dire quel est leur « positionnement marketing ». J’écris d’abord pour raconter une histoire que je n’ai lue nulle part ailleurs (du moins, sous cette forme). Je fabrique un objet-livre que j’ai envie de pouvoir lire avec plaisir. Et je fais mon possible pour que ce livre plaise au lecteur que je sais être. Par conséquent, j’écris pour ce lecteur-là (et ceux qui lui ressemblent). J’ai la chance qu’il y en ait beaucoup dans ce genre.


·       Quels conseils donneriez-vous aux gens comme nous ? – a part écrire et lire.

Je suis comme vous, donc je n’ai pas de conseils à donner autres que ceux-là : lire beaucoup et écrire beaucoup et saisir toutes les occasions d’écrire, partout où on peut. Une des participantes à ce blog, Elise D., m’a envoyé un texte l’an dernier. C’était le premier texte qu’elle écrivait depuis de nombreuses années, alors qu’elle avait beaucoup écrit pendant son adolescence. Et ça a déclenché chez elle le désir de reprendre. Elle a mis un blog sur pied « Penser avant d’ouvrir la bouche » et comme ça marchait bien, elle a proposé d’en faire un livre à un éditeur de Montréal, qui en voyant le blog a dit oui. Et là, elle bosse sur son bouquin (c’est un livre sur le végétarisme, pas un roman). Il y a un an, elle n’aurait jamais imaginé qu’elle ferait ça. Et tout ce qu’elle a fait c’est lire (beaucoup) et se remettre à écrire.


       Par qui est-il bon de se faire relire ?

Je commence par les personnes à qui (à mon humble avis) il n’est PAS BON DU TOUT de donner nos textes à lire tant qu’ils ne sont pas terminés : les membres de sa famille (parents, frères, soeurs, cousins, cousines, etc.) ; les amis proches ou intimes ; les collègues de travail ; les gens dont on veut devenir l’ami ; les écrivains professionnels ; les profs qu’on aime bien et qui sont des écrivains frustrés…

Dans l’entourage proche, le conjoint est un cas à part.
Personnellement, j’ai toujours donné mes textes à lire à ma compagne, MPJ, et je m’en suis toujours félicité parce qu’elle est à la fois une très bonne lectrice (si elle rit, si elle pleure, si elle tourne les pages très vite, je sais que j’ai réussi à faire ce que je voulais) et aussi parce qu’elle sait désigner, sans complaisance ni malice, les défauts que j’ai laissés passer. Mais je pense que la relation qui nous lie est exceptionnelle. 

Alors je ne suis pas sûr qu’il soit de règle que le compagnon ou la compagne d’un(e) écrivain(e) soit un bon lecteur ou une bonne lectrice. Ça dépend vraiment de la personne et de la relation qu’on a établie avec elle. Autrement dit : c'est indépendant du fait qu'on écrit ou non. 

Mais il faut une indépendance intellectuelle hors du commun et une relation très sereine pour ne pas être tenté(e) de lire sans arrêt dans les textes d’un écrivain une transposition de sa vie et ne pas en être atteint(e) quand on est très proche de l’auteur (ou quand on se sent proche de lui). 

Les amis, en particulier, peuvent avoir des réactions surprenantes. Lorsque j’ai écrit mon premier roman, une fois terminé, je l’ai fait lire à un ami très proche, dont je pensais qu’il serait sensible à ce que j’avais écrit. Sa réaction – très négative – m’a totalement surpris. Comme quoi…

Je pense également qu’il est hautement risqué de faire lire ce qu’on écrit à une personne avec qui on aimerait avoir une relation intime, ou avec qui on ne sait pas exactement sur quel pied danser. Bien sûr, lui donner à lire ce qu’on écrit peut avoir un effet extrêmement positif (si c’est ressenti comme une sincérité) mais parfois aussi très négatif (ça peut être ressenti comme une intrusion dans les sentiments de l’autre, ou ça peut donner un levier à quelqu'un qui désire vous manipuler - et Dieu sait qu'on ne sait jamais qui veut nous manipuler, et Dieu sait qu'on ne se fait jamais manipuler aussi bien que par le biais de ce qu'on chérit le plus au monde). 

L’aptitude à commenter sereinement ce qu’un ou une autre a écrit est proportionnelle au respect qu'on peut avoir pour l'écriture et pour l'auteur(e), proportionnelle à l'honnêteté intellectuelle que l'on est capable d'avoir, et inversement proportionnelle à la frustration propre qu’on peut éprouver à (ne pas) écrire . C’est pour ça entre autres que je ne lis pas les manuscrits et que je préfère ne pas en recevoir. Il faut que je sois particulièrement détaché de mes propres préoccupations d’écrivain pour lire la prose d’autrui sans m’énerver… 

En ce moment, je suis en train de lire un livre par obligation, et ce livre ne me plaît pas. Je le trouve superficiel, je n’arrive pas à le saisir. Sans pour autant savoir s’il s’agit du style, du contenu, des deux ou de ma propre frustration à ne pas pouvoir écrire « à la hache » en ce moment. Alors, je me méfie de ma lecture, je cherche les points positifs, j’essaie de voir ce que je ne vois pas, car je suis sûr que c’est un très bon livre, mais je n’arrive pas à voir en quoi, et ça m’embête, car ça voudrait dire alors que je ne suis pas un bon lecteur…

Bon, mais tout ça ne nous dit pas à qui faire lire…

Il est rare, en France, de trouver des gens qui relisent de manière dépassionnée, technique, intelligente et aidante. Le plus souvent, ceux qui existent (et n’ont pas d’ego ou de désir rentré d’écrire) travaillent dans les maisons d’édition. Donc, les meilleures personnes pour relire un manuscrit, pour en voir le potentiel et pour aider l’écrivain à le (re)travailler, c’est un éditeur ou une éditrice. Chevronné(e) de préférence.

Pour ma part, j’ai eu la chance de pouvoir faire lire mon premier roman à trois personnes qui avaient toutes les qualités requises, et qui n’étaient pas éditeurs/trices. C’étaient trois écrivains, qui portaient sur mon travail un regard bienveillant mais pas du tout complaisant. Ils (deux hommes et une femme) avaient leurs propres préoccupations mais étaient aussi dotés d’une distance (et d’un humour) qui leur ont permis de me lire le crayon à la main, sans se transformer en profs castrateurs ni tomber dans la dithyrambe bêtasse.

Et ils m’ont bien fait comprendre qu’ils préféraient ne pas me donner d’avis sur un travail inachevé.

C’est pour ça que je conseille toujours de finir un manuscrit avant de le donner à lire. On ne peut rien dire d’un fragment. A la rigueur des trois premiers chapitres ou des cinquante premières pages (mais qu’est-ce qu’on peut dire en dehors de : « J’aimerais lire la suite » ou « Je me suis ennuyé » ?) mais pas de quelques pages, à moins de tomber sur un(e) écrivant(e) dont les textes sont impressionnants par leur ton, leur rythme, leur mouvement, même en quelques pages. Et je dois dire, à ma grande joie, que ça m’est arrivé à plusieurs reprises depuis que ce blog existe. Il y a parmi les participant(e)s à ce blog des personnes dont les textes m’ont coupé le souffle. Mais c’est une opinion purement personnelle, pas un jugement absolu, alors généralement, j’essaie de ne pas être trop dithyrambique mais d’être encourageant, et surtout j’invite à ne pas m’envoyer de manuscrit, même si je ne déteste pas lire de très bons textes de une à trois pages.

·       Vous imposez-vous un nombre de pages/chapitres à écrire par jour ?

Non, je ne m’impose jamais rien. Parfois je sais que je dois rendre un texte à telle date, alors c’est le délai qui m’impose de m’asseoir et d’écrire pour rendre mon travail à l’heure. Mais je n’ai pas besoin de me dire « tant de pages aujourd’hui ». Je me débrouille pour le faire à temps, avec des ajustements si je suis en retard, mais le plus souvent minimes (un mois pour un roman, quelques jours pour un article). La seule chose que je m’impose, c’est de respecter les délais. Ça m’aide à travailler d’ailleurs : quand Paul me dit que pour insérer un de mes livres correctement dans le planning de publications, il faudrait qu’il l’ait à telle date, je me donne la date en question pour finir. En sachant que si je ne le fais pas, eh bien le bouquin paraîtra six mois plus tard, et voilà tout… 


·       Notez-vous les anecdotes du quotidien pour les réutiliser ?

Non, pas vraiment. Il m’arrive de transcrire des histoires du quotidien dans l’un de mes journaux ; il m’arrive aussi de recourir à une anecdote du quotidien dans un de mes livres, mais je ne note pas pour réutiliser. Ce que je note pour réutiliser, ce sont plutôt des réflexions, des paroles, des listes de mots ou de phrases qui me servent à organiser ce que j’ai pensé en lisant autre chose, par exemple. Mais c’est le fait de noter qui est important en soi, pas la note elle-même puisqu’il m’arrive souvent de ne même pas relire mes notes pour un projet, et de les retrouver une fois le livre publié et de me dire « Ah, c’est marrant, j’avais écrit ça… »


·       Avez-vous besoin de ruptures de rythme pour avancer dans un roman ou au contraire d'un certain train-train?

J’ai besoin, quand je n’avance pas (quand le projet n’a pas encore pris forme dans ma tête), de faire autre chose pour ne pas y penser, et d’y revenir ensuite. Quand je suis dedans, en général, j’ai envie de ne faire que ça. Je ne sais pas si on peut parler de « train-train ». Quand j’écris pleinement un roman, je suis littéralement possédé, je ne pense qu’à ça et je ne veux penser qu’à ça, et je n’écris que ça et je ne veux pas écrire autre chose car tout autre sujet m’emmerde. Mais il peut m’arriver de ne pas entrer dans cet état avant d’avoir écrit la moitié du livre, ou au contraire, d’y entrer dès la quarantième page. Alors là encore, je n’ai pas de « règle ». Chaque livre est une aventure en soi.

·       Relisez-vous vos textes avant d’arriver à la fin ? Ou bien écrivez-vous l’ensemble d’abord pour ensuite revenir sur le texte?

Les deux. J’écris des romans qui sont compliqués (parce que polyphoniques, anti chronologiques, etc.) et souvent longs. Donc, j’ai besoin de me relire périodiquement pour me rappeler ce que j’ai écrit ! Quand je suis suffisamment avancé dans l’écriture du roman, j’ai aussi, en général, tout relu trois ou quatre fois depuis le début. Je termine, et ensuite je relis soigneusement pour régler le problème des incohérences de narration, ôter les échafaudages, etc. Je n’ai jamais complètement fini de relire. Mais une fois que le livre est terminé, ma relecture ne modifie que des détails (au plus, un paragraphe). Elle ne modifie pas la structure du livre, jamais. Les problèmes de structure je les ai toujours réglés au début, car ce n’est que lorsque j’ai la structure définitive que je peux avancer. Si je ne l’ai pas, je piétine. Et quand je piétine, je sais que ça veut dire : « Tu n’as pas ta trame."


·       Bon, mais… et le plaisir dans tout ça ?


Ah, le plaisir…
Bonne question, ça. Je me rends compte que dans mon « Comment j’ai gagné ma vie… » il n’est pas beaucoup question de plaisir. Sans doute parce que j’ai une relation bizarre au plaisir de l’écriture  - et au plaisir, tout court.

J’éprouve du plaisir quand je lis un livre qui me transporte. Et il ne fait aucun doute que je cherche à écrire des livres qui transportent, à reproduire (chez les autres) le genre d’ivresse que je peux ressentir en lisant. Cette ivresse-là, je ne la ressens pas souvent pendant que j’écris, et en tout cas pas avant d’avoir atteint un certain stade dans un texte ou un livre. Il y a quelques semaines, j’ai écrit un texte sur Montréal (pourquoi j’y vis, comment j’y suis arrivé) pour un prochain livre/magazine qui lui sera consacré au printemps prochain par les éditions Autrement. Il m’a fallu trois ou quatre réécritures successives pour mettre le doigt sur ce que je voulais vraiment dire, et pendant que je cherchais, je n’éprouvais pas de plaisir à écrire. J’écrivais, mais ça ne me faisait pas plaisir à proprement parler. Quand j’écris, la plupart du temps, je ne ressens rien de particulier. Je ne sens pas mon corps. Je suis concentré sur les mots qui s’alignent comme par miracle sur la page blanche virtuelle inscrite dans le noir de l’écran (merci la fonction « plein écran » des traitements de texte moderne !). Je ne ressens du plaisir que lorsque j’arrive à mettre en mots exactement ce que je cherche à dire. Et ça, le plus souvent, ça se passe à la fin des romans, au moment de la résolution des histoires, des conflits. Au moment où tout se dénoue. Je n’ai compris comment le faire que peu de temps avant (ce n’est pas planifié de longue date) et j’éprouve une grande excitation et un grand plaisir à le mettre en mots.

Cela dit, le plaisir, pour moi, c’est surtout après. Quand quelqu’un me dit ce qu’il/elle a ressenti en lisant telle ou telle phrase. Un message ou une lettre qui m’arrive de très loin écrit par quelqu’un qui s’est donné la peine de m’écrire pour me parler de sa lecture, ou de sa vie. Une personne qui s’arrête près de moi pour me dire comme ça, très vite, presque en s’excusant, que tel ou tel de mes textes l’a touchée.

Le plaisir c’est aussi quand le texte est devenu un livre. Quand je tiens le livre entre mes mains. Il est là. Il est beau. Je suis content. 






Merci à toutes et à tous ceux qui m'ont envoyé leurs questions... 
Mar(c)tin