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vendredi 19 mars 2010

Brève rencontre + 1 livre, 10 - par Zelapin

Je dois vous dire que je ne me trouve aucune circonstance atténuante et que le fait que je le reconnaisse n'allège en rien ma faute.

Je dois vous éclairer sur le motif de cette lettre publique: vous assommer de ma propre culpabilité, vous la faire partager jusqu'à ce que vous la fassiez vôtre, insidieuse et collante, mais aussi vous aider à faire la part des choses dans ce que vous croyez partager.

J'espère que vous irez au bout de cette missive malgré les lignes ci-dessus.

Cela étant posé, écoutez l'histoire de ce crime, vous jugerez après.

Vous connaissez cette petite chapelle romane aménagée en lieu d'exposition, vous connaissez la réputation solide acquise au fil des ans grâce à la qualité des œuvres présentées.

J'y suis venue toutes les semaines depuis son ouverture, j'y ai passé des heures, j'ai même participé aux ateliers proposés par les artistes invités ou en résidence.

Quand on a annoncé Sa venue prochaine, j'ai comme vous jubilé, sauté de joie, débouché une bouteille et patiemment revu, relu, redécouvert tout ce que je pouvais de Lui.

Et puis l'heure est arrivée. J'ai attendu toute la matinée, j'ai vu les toiles, les pièces de ses installations, le matériel audio. J'ai vu le dessous des cartes en attendant l'endroit.

J'avais en main la plaquette de cette expo, je la connaissais par cœur, j'étais entière dans son œuvre.

Quand la voiture s'est garée, j'ai tenu bon, je n'ai pas sauté comme un cabri, comme ces écervelés qui se ruaient vers Lui.

J'ai attendu. A l'entrée, j'ai bien pris le temps de remettre mon carton d'invitation à ce vernissage d'un geste calme et contenu. Je profitais du temps, j'étais, pleinement.

Chacune de mes cellules a vibré à l'unisson de ce que je prenais pour de l'art. Je me suis crue toute entière absorbée par sa création. J'ai pensé comprendre, toucher du doigt.

Je suis revenue chaque jour pendant trois semaines.

Je savais qu'il ne restait que six jours à vivre avec son œuvre, là, tout près de moi.

J'ai décidé alors de le voler, de le prendre chez moi, de garder une part de ce qui au final m'appartenait un peu. J'aurais un talisman.

Tromper le gros neuneu à la sortie s'est montré aussi facile que prévu. J'ai posé exactement le même cahier relié, exactement à la même place, j'ai pris le temps de discuter avec big bêta , et même d'écrire ma phrasounette. Je suis sortie.

Et c'est arrivé.

Il, IL était là, est venu vers moi et m'a lancé: « ah, déjà fini? ». Son index posé sur le cahier m'a aidé à comprendre qu'il me prenait pour une employée du service culturel.

J'ai vite accroché et répondu que oui, mais que j'avais déposé le suivant, « quel succès! ».

Sa deuxième phrase fut: « quel ramassis de conneries, quand même! Comme si ces crétins qui se fendent d'un bravo comprennent quelque chose à ce qu'ils ont vu! Ah, ah, ah! ».

Et Il est entré.

Et je suis revenue, le dernier jour, et toute mon encre de sérigraphie y est passée. J'ai consciencieusement conchié chacune de ses bouses d'un élégant petit pschitt de bleu, ou de vert, ou de rouge. Du primaire pour un primaire. Pas un primitif, ce serait trop d 'honneur.

Jamais un livre d'or n'aura aussi bien porté son nom.