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jeudi 14 janvier 2010

Something happened, 1 - par Marion

Ce qui s'est passé, un jour
(Encore une histoire de (médecin) soignant)

Il y a peu, j'ai lu un livre d'un docteur soigneux. Ca m'a rappelé...
Une dame qui avait entre quarante et cinquante ans, je suppose ...
Élégante, posée, souriante. Elle avait un cabinet près de la résidence pour étudiants, à Paris.
Je la voyais de temps en temps pour mes gros rhumes.

Puis un jour, je suis là, devant elle, je suis mal, fatiguée. Une fois de plus.
J'ai envie de pleurer mais je ne pense pas que sur ce point un médecin peut m'aider.

On ne m'a pas aidée quand j'ai tant pleuré, à 15 ans.
"Vous manquez de fer, ça va passer", "... c'est ça l'adolescence".
Moi, je voulais presque crever, mais je voulais quand même la suite de l'histoire alors bon.

Elle m'a bien regardée, m'a dit que j'étais très jeune, que j'avais l'air intelligente et sensible, mais qu'il y avait quelque chose... que j'étais souvent fatiguée, quand même.
Je ne sais plus comment elle a amené et tourné la question...
M'avait-on déjà dit des choses méchantes ?
La première chose qui est venue, c'est qu'on m'avait dit que je n'étais pas belle, à l'école, entre autre... mais quelle banalité, une insulte de môme en plus, en moins, pourquoi celle-ci ?
(Pourquoi pas les crachats, les sobriquets, les bousculades, ou cet horrible "ah, non, pas elle" avant que mon voisin de classe ne se lève et n'aille plus loin, comme si j'étais pestiférée... ou encore... les coups de pieds, en gym, discrètement..., ma casquette qu'on jette dans la poubelle, un matin, mon vocabulaire que l'on moque, mon incompréhension des expressions à la mode qui rend tout le monde hilare,...) Des trucs de gosses, quoi ! Heureusement, j'avais dépassé ce temps là, j'avais enfin des copains, des copines, je faisais rire mais pas moquer, j'avais finalement tout pour moi...
Alors pourquoi je lui dis "on m'a dit que je n'étais pas belle", comme ça, en rougissant, en pleurant, en tremblant sottement, devant cette dame si respectable ?
Elle, elle y accorde cette importance cruciale, ça a du poids, enfin, ce mal là.
Ah, bah oui, tiens, je ne l'avais pas senti, mais maintenant que vous mettez le doigt dessus, ça fait mal.
Elle me parle de reconstruire ? Moi, je me croyais en construction, et de mieux en mieux, presque achevée !
Mais alors, les pleurs qui reviennent, parfois, longtemps, le "mal de vivre" comme chantait quelqu'une d'une voix poignante, ça pourrait être aussi ça ? Je suis repartie en me sentant bizarre, changée. Tous mes points de vue avaient besoin de se réajuster.

15 ans depuis et j'en tremble encore, en l'écrivant, mais ça va.
C'est comme un de ces virus qui s'installent et reviennent quand le corps et l'esprit faiblissent (c'est mon air-peste). Tout est pareil, tout a changé.
Je n'en ai plus peur, je sais que c'est une part de moi, juste, sans méchants ni gentils, ni moi ni les autres, que ça m'a donnée. Je ne m'en sens plus coupable (de ne pas avoir toujours eu le mode d'emploi pour vivre avec les autres, d'avoir trop voulu me singulariser). Quand je merdoie, je sais où chercher. Et j'ai toujours un peu tendance à vouloir me singulariser. On ne se refait pas...
Mais il y a peu, something happened : j'ai lu un livre de docteur.
Alors j'ai repensé à vous, Madame le Docteur, et j'espère avoir bientôt votre adresse pour y placer ces mots, car je vous suis reconnaissante.

Marion.