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mercredi 30 décembre 2009

Out of the Past (7) - par LyJazz

De Lyjazz (lyjazz@gmail.com)
à S (info@polyse.fr)

S
Je pense toujours à toi au mois de décembre, parce que je me souviens de ta date d'anniversaire.
Et cette fois j'ai fait des recherches pour retrouver ton adresse mail.
Tu m'avais bien confié il y a 10 ans, lors de notre rencontre fortuite et très brève à Marciac ton adresse postale et ton n°de téléphone, mais j'ignore s'ils sont toujours les mêmes.

Or donc, comment commencer ?

L'an dernier j'ai confié toutes les lettres que je t'avais écrites en 1990 à une amie. Elle me connait bien, elle est professeur de littérature. Je voulais savoir si ce texte de 30 page n'avait de valeur que pour moi, ou s'il pouvait former la trame de quelque chose. Je voulais m'en défaire, qu'il sorte de chez moi pour être crié. Savoir si mes états d'âmes sont transposables et peuvent toucher d'autres personnes.

Cela m'a donné l'occasion de le relire, en diagonale d'abord. De retrouver mes élans, ma puissance et ma fragilité d'alors, mes questionnements, ma folie. De revivre au printemps des affres de sève qui monte et des envies de nudité dans l'air chaud, sous les arbres, d'écrire ensuite des textes qui racontent la fête des corps et le magnétisme que nous ressentions quand nous étions en présence. Il est toujours très fort, très puissant. Et je sais maintenant qu'il touche les adolescents, garçons et filles.

Tu vois, je me donne de nouveau la permission, la légitimité de l'écriture. Et le temps est venu d'utiliser ces lettres. Comme je l'avais prévu dans le même temps que je les écrivais et les vivais.

Depuis je ne cesse de penser à t'écrire.
Mais je suis partagée.
Tu es devenu un étranger. Je ne sais rien de ta vie. J'ai changé intérieurement : je deviens forcément ce que je voulais être. Je suis toujours en couple avec le même homme qu'alors. Et tu travailles dans une entreprise dont je ne cautionne pas du tout l'impact écologique. Et ça, c'est plutôt rédhibitoire pour moi, qui ai besoin d'une grande loyauté entre la personne et son activité.

Je n'ai rien ressenti de particulier lorsque je t'ai revu, dans ce chapiteau au milieu de 5000 personnes. Hormis le fait que je suis passé à cet endroit-là à ce moment-là, alors que je vais très rarement dans le public, et que je t'ai reconnu de suite, que ça m'a fait une sorte de coup à l'estomac, une danse dans les yeux, un sourire subit, un arrêt sur image. Et toi aussi tu m'as reconnu de suite. Je n'ai donc pas beaucoup changé physiquement. Si je me souviens bien nous avons très rapidement, une fois les politesses d'usage échangées, maneuvrés pour que ta compagne (au prénom finissant en A, comme le mien) parle avec A. tandis que nous étions proches pour échanger nos coordonnées. Garder le contact. Savoir que nous pouvions toujours nous retrouver. Même si nous n'avions rien à nous dire. Et que nous n'avions pas envie de reprendre une conversation. Ou parce que tu es toujours aussi peu prolixe et que tu avais peur de me redire de nouveau « Ecris-moi », de lâcher la bonde de nouveau? Il me semble que nous en éprouvions tous les deux le besoin (de connaître nos adresses). Et être juste à côté l'un de l'autre. Comme lorsque nous nous sommes rencontrés, la première fois, à Toulouse, tu te souviens ? Notre complicité et notre compréhension d'emblée ? Alors que nous n'avions que 18/20 ans ?


Il s'est passé beaucoup de temps depuis nos émois. Des années ponctuées par quelques cartes. La seule qui ne soit pas impersonnelle de ta part me disait que tu avais changé d'entreprise et de compagne, et c'était en 1998 peut-être ? Moi je ne pouvais m'empêcher de te faire partager mes passions et je te parlais du festival de jazz de Marciac. Ce qui t'a poussé à venir pour une soirée en 2001.

Longtemps je me suis demandée si notre histoire aurait duré si nous avions fait le choix de vivre ensemble.
Et j'en ai été malade pendant au moins deux ans après notre rupture. Ta fuite, qui fait pendant à mon errance, ce soir de juin sur le boulevard en fête....

Je souhaite juste te dire que ces textes seront rendus publics puisqu'ils vont être lus en scène. Et qu'ils deviendront sûrement un livret.

Tu peux les relire (si tu les as gardés) pour me dire si tu souhaites que l'un ou l'autre passage soit transformé ou supprimé. Mais je n'ai pas l'impression que tu apparaisses vraiment dans mes lignes. Ou juste en négatif, dans mon idée, mes mots et mes phrases, mon rythme. Je t'avais dans la peau et tu y es resté longtemps. Mais ton évocation seule ne donne lieu à rien qui puisse être reconnaissable. Je ne nommerais même pas ton prénom.
Je compte sur toi pour me contacter si tu en éprouves le besoin.

Lyjazz